Election municipale : L'alchimie de la dynamique
Arithmétique
La démocratie, c'est d'abord de l'arithmétique. C'est linéaire, tout ce qu'il y a de plus simple. Exemple : 10 + 3 – 2 = 11. Par la magie des combinaisons, on peut obtenir le même résultat autrement. Exemple : 9 + 5 – 3 = 11. C'est une histoire de crédit et de débit, en quelque sorte. Pour faire 100%, il suffit d'additionner tous les pourcentages qui les composent. Toutes les variations sont possibles pour atteindre le total.
Pour emporter la mise d'une élection municipale, la loi en vigueur est fondée sur un système mixte majoritaire proportionnel qui a prévu de proclamer vainqueurs ceux qui auront 50% + 1 voix. Si ce n'est pas le cas au premier tour, au second, on attribue la victoire à ceux qui ont fait le meilleur score relatif. On peut donc gagner, par exemple, avec 36% si deux autres listes ont 32% chacune ou 34 et 30. C'est la règle. Et tout le monde la respecte. Cela a été le cas pour l'élection de mars 2008 qui n'a pas été gagnée à la majorité absolue.
L'annulation prononcée par le Conseil d'Etat ne remet évidemment pas en cause le concept de majorité absolue mais les conditions d'ordre éthique qui ont pu influencer le résultat. On n'est plus dans le domaine arithmétique pur mais dans une appréciation de caractère moral. Désormais, il faut bien se mettre dans la tête que la règle établie par la totalisation des voix peut ne plus suffire pour désigner un vainqueur, surtout si un écart serré court le risque d'avoir été faussé pour cause d'inconduites à l'encontre de certains candidats.
Dynamique
Une élection, c'est aussi une dynamique. La nature et la qualité de l'offre des listes peuvent recueillir au premier comme au second tour des effets d'amplification ou de réduction. Les résultats des européennes en sont une parfaite illustration. Mais, comme je l'ai déjà dit dans un précédent article, ces scores ont pris un caractère particulier qui n'est pas transposable à l'élection aixoise.
L'élection européenne est à un tour et à la proportionnelle. Elle a connu un énorme taux d'abstentions. Elle n'a pas désigné un "chef" mais des représentations. C'est tout le contraire d'une municipale où le second tour débouche sur l'attribution d'un pouvoir qui prévaut sur toutes les autres formations auxquelles on attribue des sièges minoritaires dépourvus de prérogatives décisionnelles.
Vouloir calquer ou reproduire à l'échelle d'une commune, par un fallacieux prétexte circonstanciel de proximité temporelle, l'expression d'une fraction de l'électorat pour soutenir ou contester les différents enjeux liés à l'avenir d'un vaste territoire lointain est une vue erronée de l'esprit. Ici, la décision politique est proche et visible. Prise sur place, elle se répercute à deux mètres de chez nous et peut modifier dans un sens ou dans l'autre notre destin commun.
La mobilisation et la participation électorales ont toujours été très fortes au niveau communal. On peut le constater depuis lundi dernier, les Aixois sont loin d'être indifférents à ce qui se passe. La jurisprudence inédite des motifs de l'annulation, la tenue de cette élection en dehors des échéances nationales de renouvellement des municipalités, la portée locale des enjeux, ou encore le côté "laboratoire" des recompositions politiques qui pourraient servir ailleurs plus tard, tout laisse penser que, vacances ou pas, les Aixois se rendront aux urnes ou ne manqueront pas de voter par procuration.
Malgré le gros effet de surprise, et grâce à lui aussi, les Aixois montrent un intérêt marqué pour ce nouveau moment exceptionnel de démocratie. Pour preuves, les discussions sont passionnées, les médias se mobilisent et l'internet s'enflamme.
Alchimie
Quels enseignements peut-on en tirer ? L'analyse des glissements et des transferts de voix aux européennes confirme que ceux-ci se sont opérés à cause de la spécificité de ces élections et que leur volatilité, de circonstance, ne saurait exprimer un ancrage définitivement acquis (ces résultats ont toujours fait du yo-yo). Ceux qui ont tendance à vouloir s'improviser en petits sondeurs avec un amatareurisme confondant ou qui croient par des raisonnements simplistes que les additions et les soustractions arithmétiques sont prévisibles à la virgule près se trompent.
D'abord, parce que les appartenances politiques traditionnelles vont retrouver leurs électeurs et chacune son assise, remettant à leurs places respectives les scores européens surdimensionnés des uns et sous-dimensionnés des autres. Ensuite, parce que l'équipe sortie de la mairie par le Conseil d'Etat est compartimentée à elle-même, dépourvue qu'elle est de réserves de voix hors les siennes. Elle pourrait en comptabiliser encore moins, par la soustraction de celles que vont se charger d'aspirer ses bienfaisants ex-amis.
En revanche, l'émergence et la constitution du nouveau pôle transversal à vocation majoritaire de l'ex-opposition sont en mesure de créer des mouvements d'entraînement et de s'élargir bien au-delà de sa seule base arithmétique, aussi bien au premier tour qu'au second. On passerait alors, par exemple, de la base 1 + 1 = 2 à l'effet 1 + 1 = 3.
A mon humble avis, cette élection à nulle autre pareille recèle déja les ingrédients d'une alchimie, voire d'un soupçon d'irrationnel, qui en surprendra plus d'un.