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le Blog de Lucien-Alex@ndre CASTRONOVO
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  • Prof d'anglais retraité Sous-officier Armée de l'Air Président assos culture, éducation, social 1978-1989 Correspondant presse locale 1989-1995 Conseiller municipal liste Yves Kleniec 1983-1989 Adjoint liste Jean-François Picheral 1995-2001 Parti radical de gauche 1998-2008 Conseiller municipal liste Michel Pezet 2001-2009 Conseiller municipal liste Edouard Baldo 2014-2020 lucalexcas@aol.com
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22 janvier 2010

La ruée vers l'ordure… de Marseille à la Côte d'Azur

Sous les ordures les affaires ? C'est l'interrogation du moment. En tout cas, jamais on n'aura autant évoqué ou étalé les gros et les petits dessous que peuvent cacher les marchés des déchets. A voir le nombre et la portée des enquêtes en cours, on ne peut s'empêcher de penser à Naples. Certes, ici il n'y a pas mort d'homme mais c'est la comparaison qui vient immédiatement à l'esprit.

Cela fait plusieurs mois maintenant que la justice locale s'évertue à en savoir plus pour essayer de faire un tri méticuleux dans les insinuations, quand ce ne sont pas des accusations malodorantes, que de bonnes âmes ont spontanément et peut-être opportunément agitées sous ses narines.

Comptant sur son flair, la justice semble décidée à y plonger son nez, profond. Et à engager une sérieuse opération de grand nettoyage. Y a-t-il matière à débusquer de coupables ententes, de grosses combines ou de petits arrangements ? En l'état, la prudence est de mise.

Mais, si l'on s'en réfère à ce qui a déjà paru courageusement dans la presse la plus libre, sauf faits contraires, quelques enquêtes ne devraient pas finir leur parcours dans le feu des incinérateurs. Et de certains amas fumants pourraient bien rejaillir de cuisantes flammes qui risquent fort de griller ceux qui espéraient les étouffer.

         

L'article de Bakchich Info du 21 janvier 2009 :

http://www.bakchich.info/Cache-cache-dans-les-ordures,09840.html 

    

L'article du Canard enchaîné du 20 janvier 2009 :

(Clic sur l'image pour agrandir)

canard_guerini_affaires

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15 janvier 2010

Vœux politiques : Quand le fiel se cache dans le miel

La période des vœux à caractère politique m'a toujours fait sourire. Et cette année encore, mêmes souhaits recyclables et recyclés, mêmes discours de satisfaction, mêmes poignées de poudre de perlimpinpin et mêmes mirages dispensés aux électeurs. On me dira que, après tout, hein, ça ne mange pas de galette quand il s'agit de prodiguer plein de sentiments sucrés à grandes brassées de chocolats accompagnés de formules machinales. Oui, d'accord, c'est toujours mieux que balancer des vérités qui font mal. Et qui seraient vite jugées inconvenantes.

Le pacifique cliché "la trêve des confiseurs" a précisément été convenu comme une bienséance éphémère destinée à couvrir les vilenies du reste de l'année. Voilà comment, le temps d'une quinzaine, le fiel se cache dans le miel.

Je ne parle pas ici du président, qui est hors catégorie depuis belle lurette tant il n'y aura bientôt plus que lui pour s'ingénier à croire ses propres contes féeriques. Non, je fais plutôt allusion aux cérémonies locales qui, pour être polies, n'en sont pas moins soporifiques. Mais qui, parfois, ne parviennent pas à dissimuler les bonbons acidulés nichés au fond du gros paquet de friandises.

Par exemple, je me suis bien diverti, c'est le mot, à écouter via internet les vœux à la presse de Jean-Noël Guérini. Comme on dit par relâchement de style, il y avait à boire et à manger.

Après avoir vanté ses propres mérites, avec la petite pincée de modestie qui sied bien sûr, le président du Conseil général a dégainé trois sujets qui ont évidemment réveillé son auditoire. Soutien à Michel Vauzelle pour les élections régionales, critique des médias et affirmation de sa sérénité sur les procédures judiciaires en cours. On l'aura compris, la tribune a servi à faire un bout de campagne électorale mais aussi à lancer quelques assauts qui, comme nul ne l'ignore, sont la meilleure des défenses.

Pour en savoir plus, lire le compte-rendu fait par Rémi Leroux, mis en ligne le jour même sur son blog, et les vidéos de Guérini consultables sur son blog personnel. J'ajoute deux autres liens tout aussi intéressants et deux articles du Canard.

L'article de Rémi Leroux :

http://remileroux.wordpress.com/2010/01/08/jean-noel-evoque-laffaire-guerini-et-lache-son-frere/ 

Le blog de Rémi Leroux sur les régionales :

http://remileroux.wordpress.com/ 

Le blog de Jean-Noël Guérini :

http://www.jn-guerini.fr/2010/01/09/voeux-a-la-presse-lexercice-de-proximite-et-de-verite/

Qui est le vrai patron de Marseille : 

http://www.lexpress.fr/region/qui-est-le-vrai-patron-de-marseille_835906.html

Gaudin concerné aussi par l'affaire des marchés publics :

http://www.laprovence.com/actu/region-en-direct/affaire-des-marches-publics-lenquete-concerne-aussi-les-annees-gaudin-a-mpm

Deux articles dans Le Canard enchaîné du 13 janvier 2009

(Clic sur chaque article pour agrandir)

canard_guerini_serenitude_1 canard_guerini_serenitude_2

5 janvier 2010

Quand le maire de Trets bafoue la laïcité…

Le discours républicain et laïque n'est rien s'il n'est pas traduit en actes conformes. Là, à quelques kilomètres d'Aix, sur le territoire de la Communauté du Pays d'Aix, la confusion des genres a pris, il y a quelques jours, une tournure irrecevable.

Les faits ont été relatés, documents à l'appui, sur le blog de Cixi-Hélène : le maire UMP de Trets, Jean-Claude Féraud, n'a rien  trouvé de mieux à faire qu'inviter les élus et le personnel municipal au repas traditionnel de fin d'année dans les locaux de l'organisation sectaire Soka Gakkaï.

Aux dernières nouvelles, l'événement a semé le trouble dans certains esprits et n'a pas fait l'unanimité. Au final, le maire n'a été suivi que par 120 personnes sur les 300 invitées. Ce qui n'enlève rien à cette étrange initiative émanant d'un élu de la République qui se permet de confondre la neutralité que lui impose sa fonction et sa décision d'organiser un repas communal dans un lieu de culte dont les pratiques sont, c'est le moins que l'on puisse dire, très critiquées.

Pour en savoir plus et se faire une idée, on pourra lire les textes ci-dessous.

L'article sur le blog de Cixi-Hélène (menacée d'une mise en demeure) :

(accompagné de nombreux liens et d'une série impressionnante de commentaires)

http://cixi-helene.over-blog.com/article-trets-les-feraud-et-la-secte-soka-gakkai-41364792.html

Un article paru en mai 2004 :

http://www.prevensectes.com/rev0405.htm#31a 

Et l'article paru cette semaine dans "Le Ravi" :

(Clic sur l'image pour agrandir)

ravi_trets_feraud

22 décembre 2009

La saga des Guérini vue par le Nouvelobs

gif_journalL'article du Nouvelobs est si instructif qu'il mérite d'être cité in extenso. Il vient s'ajouter à d'autres sur les remous politiques marseillais publiés ces derniers temps. Voici donc l'enquête de François Bazin parue le 17 décembre 2009 qui se lit comme un conte défait.

------------------------------------------------------------------------   
L'un est président socialiste du conseil général des BDR, l'autre n'est officiellement qu'un chef
d'entreprise spécialisé dans le traitement des déchets. Jean-Noël Guérini et son frère cadet, Alexandre, l'un dans la lumière et l'autre dans l'ombre, sont les patrons incontestés de la gauche marseillaise. Du coup, quand la justice s'en mêle, c'est tout le système qui tremble.
   

C'était l'été dernier. Presque une éternité. A la mi-juillet, Jean-Noël Guérini a été intronisé "deuxième président" de la Socoma. Un poste honorifique pour un business bien payé ? Pas seulement. Sur le port de Marseille, la Société coopérative de Manutention est un mythe et une puissance à la fois. Elle a été fondée en 1950 par les hommes de Defferre. C'est tout ce qui reste aujourd'hui de l'héritage depuis que la mairie est passée à droite et que La Provence, le quotidien régional, vivote sous l'aile du groupe Hersant. Son président en titre s'appelle Charles-Emile Loo, ancien cacique de la fédération socialiste. Il file vers ses 88 ans.

Sentant sa fin venir, "Milou" a choisi "Jean-Noël" pour qu'un jour il lui succède. L'affaire s'est nouée devant la tombe de "Gaston", le 7 mai, jour anniversaire de la mort du Vieux Lion. Pour le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, défait l'année précédente à la mairie de Marseille, la Socoma était bien plus qu'un lot de consolation. Influence, surface sociale, notabilisation. Jean-Noël Guérini a trop longtemps souffert du mépris des élites phocéennes pour ne pas voir, dans cette superbe promotion, la promesse d'une revanche. Et pas seulement aux prochaines municipales. Durant l'été 2009, tout s'est mis à bouger chez les Guérini. Car de fait, ils sont deux. Jean-Noël et Alexandre, de cinq ans son cadet. Depuis toujours, ils avancent côte à côte. L'un dans la politique. L'autre dans les affaires - officiellement - avec une prédilection pour le traitement des ordures !

En allant à la Socoma, le premier a fait un pas de côté. Alexandre, lui, s'apprêtait à faire un pas en avant. Apparemment, pas grand-chose. Juste une envie d'élection, à l'occasion des régionales de mars 2010. Ce n'était pas la première fois qu'Alexandre Guérini était démangé par ce prurit. Quand le conseil général a été menacé en 2004, il a failli entrer dans la bagarre. Aux dernières municipales, il a songé, un moment, à aller défier lui-même Renaud Muselier dans un secteur clé de la ville. Mais, cette fois-ci, c'est du sérieux.

L'homme de l'ombre, celui dont on ne parle qu'à voix basse, le frère trop discret pour ne pas être aussi le stratège secret de la maison Guérini, a soif de lumière. Autre forme de reconnaissance ! Ce mandat régional est un investissement. Il en annonce d'autres, de plus grande ampleur. Un jour, Jean-Noël finira bien par atteindre son nirvana municipal et alors il faudra que quelqu'un continue à serrer les boulons. Dans ce grand paquebot bleu qui domine la ville et l'irrigue de ses subventions. Bref, au conseil général !

Les écoutes vont bon train

C'était un joli rêve. Il s'est évanoui avant même d'avoir vraiment commencé. Tout cela à cause d'un petit juge financier, Charles Duchaine, et des discrètes investigations menées, depuis le printemps, par les gendarmes, dans le cadre d'une instruction pour "atteinte aux marchés publics, trafic d'influence, détournement de fonds publics, corruption, prise illégale d'intérêts et blanchiment". Rien de moins ! L'instruction judiciaire est menée "contre X". Qui est, à Marseille, le nouveau "Monsieur X" ? A la Socoma, Charles-Emile Loo, qui n'avait rien vu venir, s'interroge désormais sur la perspicacité de ses choix.

Au siège de la fédération, où il faisait il y a encore peu la pluie et le beau temps, Alexandre Guérini a soudain disparu. C'est tout juste si on se souvient de son nom. Lequel ne figure d'ailleurs plus sur la liste régionale du PS. Quand les gendarmes ont déboulé, le 19 novembre, au siège de ses deux sociétés puis à son domicile privé, Alexandre était en voyage en Amérique du Sud. Quand ils ont débarqué au conseil général et à la communauté urbaine, Jean-Noël revenait à peine d'Auschwitz où, comme chaque année, il avait accompagné des lycéens du département. Les pandores savaient pertinemment ce qu'ils cherchaient. Depuis le début de l'année, les écoutes sont allées bon train. Il a suffi que ces informations sortent dans la presse - le site de Bakchich.info et France 3 - pour qu'après les effluves d'une grève des éboueurs un vent glacé s'abatte sur Marseille. Depuis, c'est le temps des rumeurs, des rendez-vous cachés et des règlements de comptes. Tout le monde aux abris ! A gauche comme à droite (ou presque) !

Le sens de l'amitié utile

Pour préserver leur honneur, alors que leur nom circule sans qu'ils aient jamais été entendus par la justice, les Guérini ont pris des avocats. Ils ne parlent plus. Ils ne se parlent plus. Prudence, prudence… "Comment va Alexandre ?", a demandé, mercredi dernier, Jean-Noël en rentrant du Sénat et autres palais nationaux. Alexandre est invisible. On ne le voit plus guère au Cercle des Nageurs où, chaque midi, il alignait autrefois les longueurs de bassin. Dans son immense bureau du conseil général, Jean-Noël reçoit au compte-gouttes. "Lui, c'est lui, moi, c'est moi", dit-il en jurant qu'il ne connaît rien des affaires de son frère. Sa lecture de tout cela est aussi simple que classique : "On veut m'abattre pour des raisons politiques." Soit… Mais alors fallait-il qu'elle soit menaçante, cette nouvelle puissance des deux frères, pour qu'à l'heure de leur envol, tandis que leur système était en train de prendre une autre dimension, dans une répartition des rôles inusitée, on rejoue à Marseille le remake judiciaire de "Main basse sur la ville".

On ne prête qu'aux riches. Ceux-là le sont. Ou plutôt, ils le sont devenus. Argent et puissance. Sur fond de politique, dans ce curieux chaudron phocéen où chacun peut s'inviter à condition d'avoir le goût de l'effort, le sens du risque et la passion des réseaux. La saga des Guérini, en ce sens, est l'expression achevée d'une certaine histoire de Marseille. Pour la comprendre, il faut d'abord observer les deux hommes. Et Dieu sait s'ils ne se ressemblent guère. Jean-Noël est un introverti qui s'expose et Alexandre, un extraverti qui se cache. L'un est engoncé dans des costumes croisés. L'autre vit volontiers en jean, tee-shirt et baskets. L'un est un coléreux, sentimental et superstitieux. L'autre est un animal chaleureux et sauvage. L'un voudrait conquérir les salons de la bourgeoisie. L'autre aime les bars et les bandes. Tous les deux ont le sens de l'amitié utile, qu'ils cultivent jusqu'au plus haut sommet de l'Etat et du CAC 40. Quand ils disent "Henri", c'est de Proglio, le patron de Veolia, qu'il s'agit. Quand ils disent "Bernard", c'est généralement de Squarcini, l'ami de Sarkozy devenu chef du renseignement.

Les Guérini - 59 et 54 ans - sont des enfants du Panier, doués à leur façon. Ils ont grandi ensemble dans ce quartier historique de Marseille. Ils ont grimpé ensemble, en dépit de la belle légende qui voudrait qu'ils aient tracé leur route, à la force du poignet, chacun de leur côté. Le berceau des Guérini est Calenzana, en Balagne. Leur fief est marseillais, juste derrière la mairie. L'oncle "Jean-François" était conseiller général socialiste. C'est lui qui a fait venir toute la famille au milieu des années 1950. C'est lui qui a trouvé un emploi pour tout le monde à l'office HLM.

La réussite par les extérieurs

C'est lui qui, à sa mort, a laissé son canton à l'aîné des neveux. La politique en héritage. Vieille tradition locale. Sauf que, dans la machine Defferre, les Guérini étaient des gens de peu. Maîtres chez eux, sans doute. Grands apporteurs de voix dans la circonscription du suzerain, à coup sûr. Mais pas davantage. En 1977, il faudra que la secrétaire personnelle de Gaston, dont Alexandre épousera la nièce, insiste pour que Jean-Noël fasse ses premières armes aux municipales, à un modeste rang et surtout dans un secteur jugé très incertain.

Ainsi va la vie. Jean-Noël Guérini a alors 27 ans. Pas de diplômes. Une carte des MJS et de FO. Rien d'exaltant. Sans le canton de l'oncle, cinq ans plus tard, l'histoire se serait peut-être arrêtée là. Et la carrière des deux frères aurait pris un tour moins classique. Avec Defferre, on grimpait par la mairie. Les Guérini n'y ont pas leur place. Ils feront donc les extérieurs. Par le conseil général. Ce n'est pas la voie royale. On y avance lentement. Il faut savoir être patient, habile et travailleur. Jean-Noël a toutes ces qualités. Il sait compter. Il sera bientôt rapporteur général du budget. Auparavant, dans la guerre de succession ouverte par la mort de Gaston, il a fait le choix de Michel Pezet contre celui de Robert Vigouroux. Cela lui coûtera quelques mandats locaux. Avant de lui ouvrir les portes d'un sacré fromage en février 1987 : la présidence de l'Opac des Bouches-du-Rhône, conquis au nez et à la barbe d'un defferriste de la plus belle eau, Marius Masse.

Dans le système Guérini, il y a un avant et un après-Opac. L'ascenseur politique via le logement social : à défaut d'être originale, la méthode est d'une rare efficacité. Dès cette époque, les deux frères s'installent dans des registres complémentaires. Jean-Noël gère, Alexandre répare. L'un soigne l'électeur, l'autre dirige une société de plomberie. Le premier occupe le devant de la scène, tandis que le second s'impose progressivement comme une sorte de DRH de la PME familiale. Il y a du clientélisme dans l'air. Tout cela est très corse. Au conseil général, le rapporteur général du budget a vite compris que cette énorme collectivité, gérée en père de famille, est aussi une immense usine à subventions. En 1998, la valse des présidents, à l'hôtel du département, lui ouvre la porte du "9e étage". Quand François Bernardini, son prédécesseur, est contraint par la justice à la démission, Jean-Noël, les larmes aux yeux, lui offre une carte magnétique qui lui donne accès en permanence au conseil général. "Tu es ici chez toi." Un an plus tard, le même Bernardini est pourtant délesté, sans pitié, de son poste de premier secrétaire de la fédération. C'est le grand vide.

Les barons marseillais se sont entre-tués. Reste Jean-Noël, tout en haut de la colline. Il tient le département. Il contrôle la "fédé". Il est devenu sénateur. Il lorgne sur la ville. On est en 2000. Les années Guérini peuvent enfin commencer ! Tout par le conseil général. Tout pour le conseil général. C'est aussi simple que ça. On a commencé par le PS. C'était le plus facile. Avec la Rue-de-Solférino, les frères Guérini ont imaginé un deal audacieux. La "fédé" subit une cure d'amaigrissement. Fini le temps où ses quelque 20.000 cartes pesaient de manière décisive sur la vie nationale du parti. Mais en échange, il n'y aura plus aucune limite au verrouillage interne. Dans cette opération, Alexandre est aux premières loges. Il préside de facto la commission des cartes. Pas d'adhésion possible sans son accord. Les sections sont reprises en main une à une. On place, on menace si nécessaire. Pour ne pas avoir d'histoire avec Paris, on essaie de jouer gagnant dans la course des éléphants. Un jour Fabius, puis Jospin, puis Royal, puis plus rien… Alexandre, que l'on disait vaguement rocardien dans sa jeunesse, n'a jamais compris pourquoi DSK, qu'il admire tant, avait toujours snobé son frère. Cet été, il imaginait même de faire le voyage à Washington pour préparer une paix des braves !

Dans ce genre d'aventure, tout le monde suit d'autant plus aisément que le voyage est rentable. Les trois quarts du conseil fédéral du PS vit directement ou indirectement du conseil général. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il a fallu attendre que la gauche gagne par surprise la riche communauté urbaine de Marseille en 2008 pour que la vraie finalité du système apparaisse presque au grand jour. Du jour au lendemain, tandis que Jean-Noël pansait ses plaies après sa courte défaite aux municipales, Alexandre a abandonné toute prudence. On l'avait aperçu. Il s'est fait voir. Il avait poussé son frère à la mairie quand celui-ci se remettait a peine d'une grave intervention cardiaque. Il avait été le stratège de sa campagne. Il avait tenu, pour lui, la rue et les murs. Ce n'était sûrement pas pour tout plaquer au premier échec venu.

La machine grippée

Longtemps, Alexandre a travaillé pour son frère depuis les locaux de ses sociétés. Les interventions, c'était lui. Les services, c'était lui. Les emplois ou les subventions, c'était encore lui. Dans son bureau, les dossiers politiques étaient entassés au bout d'une immense table, juste après les dossiers professionnels. Il suffisait d'un fax ou d'un coup de fil pour les faire avancer. Alors que l'unique qualité d'Alexandre, cet homme sans mandat, était d'être le frère du président. Ainsi se forgent les clientèles dans un système opaque, sans être pour autant forcément illégal.

La faute des Guérini, alors que la justice avait déjà commencé ses investigations, est d'avoir mis à la communauté urbaine une pression trop brutale en traitant son président, Eugène Caselli, comme une simple potiche. En pratique, il y avait Jean-Noël, président du conseil général, et Alexandre, vice-roi de la communauté urbaine qui sélectionnait les directeurs de service, recevait les syndicats et préparait les commissions d'appel d'offres. Sans doute cette répartition des tâches en préparait-elle une autre, d'ici aux municipales de 2014. La machine a tenu plus d'un an. Elle s'est grippée juste avant que les gendarmes ne débarquent. Est-elle définitivement brisée ? Jacques Pilhan, ce conseiller en communication de deux présidents de la République qui avait ses habitudes du côté du Vieux-Port, disait qu'en politique "être une cible, c'est con, mais qu'être une cible immobile, c'est encore plus con". A Marseille, les Guérini en sont là.

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2354/articles/a415135-.html

15 décembre 2009

Les poubelles de Marseille rendent Gaudin muet

Comme je l'ai fait observer ici même lundi dernier, dans le pataquès du traitement des déchets de Marseille, le mutisme de Jean-Claude Gaudin avait sans doute des raisons d'être. Et pour cause. Le rapport de la Chambre régionale et territoriale des comptes publié en 2007, lorsque le maire de Marseille était encore président de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole, avait fait ressortir pas mal de dysfonctionnements dans ce domaine.

Gaudin étant un homme plutôt avisé sur la chose politique, il lui est vite apparu que forcer la dose sur les déboires de MPM depuis qu'Eugène Caselli s'est emparé de la présidence n'était sûrement pas un bon combat. Seul Renaud Muselier a réagi, par dépit de s'être fait souffler un poste qu'il estimait lui revenir. On croit avoir compris que Gaudin a un peu aidé à lui faire rater la marche, sinon à ne pas le soutenir plus que ça. Quoi qu'il en soit, Gaudin a décidé de rester mesuré dans le tohu-bohu qui vise Alexandre Guérini, frère du président du Conseil général.

Hier, Caselli et Gaudin au conseil municipal…             

Et hier matin, au conseil municipal de Marseille, il s'en est passé des belles. Entre Gaudin et Caselli, les volutes du calumet d'une paix convenue ont remplacé les volées d'un bois assez vert pour raviver des plaies. La trêve des armes aurait été préparée lors d'une rencontre discrète en tête-à-tête ce week-end pour empêcher une bataille de dossiers chauds que les deux camps pourraient réciproquement se lancer à la figure.

Des propos gracieux, des remerciements et un vote d'abstention de Caselli sur un dossier alors que les élus de l'opposition votaient contre ont trouvé un écho aux oreilles d'un Gaudin quasi rassuré et reconnaissant.

Hier aussi, style état des lieux, La Provence consacrait aux rapports droite gauche une pleine page titrée "la gouvernance partagée mise à l'épreuve". Interrogés, Gaudin, Caselli et Guérini ont tous trois usé d'une langue de bois censée exprimer la nécessité de comportements responsables, une façon d'éteindre pour le moment les braises de leurs tensions.

En tout cas, si l'on en juge par les déclarations de Caselli faites le matin même sur France Bleu Provence, annonçant qu'il allait quitter le poste de secrétaire fédéral du PS, on s'apprête à rebattre les cartes au sein du parti. Qui sera où et qui fera quoi, les réponses à ces questions diront qui aura pris le dessus et qui seront les déçus.

Dans son édition papier de mercredi dernier, Bakchich Hebdo a publié un article qui expliquait les raisons du silence de Gaudin.

         

(Clic sur l'image pour agrandir)

poubelles_gaudin_bakchich

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7 décembre 2009

Quand la justice fouille les poubelles marseillaises...

poubelles_ca_debordeOrdures, déchets, collecte, tri, incinération, marchés publics, des mots qui font souffler des vents nauséabonds sur notre région et, plus particulièrement, du côté de Marseille.

Les récentes "révélations" sur d'éventuels troubles au bon ordre et à la transparence visent la Communauté urbaine de Marseille et, par ricochet, Alexandre Guérini, frère du président du Conseil général des Bouches-du-Rhône.

La justice vient de s'en mêler comme elle ne l'avait sans doute jamais autant fait auparavant. Est-ce un hasard dû à l'approche des élections régionales ? Ou est-ce simplement une procédure normale ? Si ces informations émergent maintenant en abondance et semblent s'accélérer tout à coup, il paraît nécessaire de noter que certaines enquêtes ont été entamées en avril dernier.

Quoi qu'il en soit, elles pourraient créer un climat politique particulier susceptible de provoquer des effets sur l'échéance électorale de mars prochain. Pour l'instant, c'est la gauche qui est pointée du doigt. On a ainsi vu Renaud Muselier se précipiter dans un premier temps pour faire porter le chapeau à Eugène Caselli, président de la CUM. Il a sans doute voulu signifier que la droite n'a rien à se reprocher dans ce domaine. Après ce numéro de cirque spectaculaire accompli sous les caméras, plus rien. Silence dans les rangs de Jean-Claude Gaudin. Etrange ? Pas tant que cela en fait car il pourrait y avoir retour de bâton.

gif_balaiEn effet, les problèmes et le flou liés à la gestion des déchets ne datent pas d'hier. Et tout n'était pas blanc lorsque le maire de Marseille était président de la CUM. Pour s'en faire une idée, il suffit d'aller consulter le rapport d'observations définitives sur la gestion des déchets de Marseille Provence Métropole établi par la Chambre régionale et territoriale des comptes en 2007.

Ce rapport comporte 73 pages dont 42 - pas moins - sont précisément dédiées à la gestion des déchets. Ce qu'on y lit est peut-être la raison pour laquelle les élus de droite ont décidé de ne pas trop en faire et de se muer en observateurs mutiques.

Le rapport est très argumenté, analyses, chiffres et tableaux à l'appui. Il concerne des périodes allant de 2002 à 2004. Difficile de tout citer, alors j'ai fait un petit tri pour vous.

Au passage, rappelons que le gouvernement a annoncé son intention de "réformer" les chambres régionales et territoriales des comptes pour les regrouper en les faisant passer de 22 à 7 ou 8 chambres inter-régionales, mais aussi en supprimant des postes de magistrats, en réduisant leurs moyens et leurs compétences et en les plaçant sous la tutelle directe des préfets, ce qui revient confier à ces derniers un contrôle politique a priori sur le type et l'opportunité des enquêtes à mener.

Après tant de découvertes gênantes effectuées par ces chambres indépendantes sur le rôle des élus et la gestion de l'argent public, on comprend mieux le sens et la portée d'un tel démantèlement.

Quelques phrases significatives du rapport d'observations définitives

publié en novembre 2007

sur la gestion de la CUM Marseille Provence Métropole

(la gestion des déchets est traitée à partir de la page 29)

La CUM exerce ses compétences dans le cadre du plan départemental d'élimination des déchets ménagers. […]

Page 31

Le taux de valorisation réalisé en 2004 par la CUM est proche de l'objectif fixé puisqu'il est de 22%. En revanche, seulement 41% de la population étaient desservies en collecte sélective en porte à porte au 31 décembre 2005. […]

Le nombre de marchés passés par les principales directions de la CUM concernées par la gestion des déchets reflètent la complexité de ce système : 51 marchés concernant la collecte traditionnelle (avec ou sans propreté) peuvent être recensés de 2001 à 2004 et 55 pour le recyclage et le traitement des déchets.

Page 33

La faiblesse des temps de travail journaliers réellement effectués par les agents en comparaison avec les temps de travail théoriques qui pourraient être demandés aux agents (7h30 pour la journée et 7h pour la tournée de nuit) est révélatrice d'un profond dysfonctionnement. Le système du "fini-parti", qui permet aux agents de partir une fois leur travail terminé, a conduit à Marseille à des temps de plus en plus réduits.

Page 34

L'évolution des dotations budgétaires attribuées aux directions de la propreté urbaine et du traitement des déchets de 2003 à 2005 traduit une hausse importante des coûts des prestations effectuées par les entreprises privées : la dotation de la direction de la propreté urbaine a doublé en deux ans, en passant de 28M€ en 2003 à 56,4M€ en 2005. En ce qui concerne le traitement des déchets, les dotations sont passées de 34,6 à 52,4M€, soit une augmentation de 51,4%. Le renouvellement des marchés les plus importants en 2003 et 2004 a été effectué en doublant voire en triplant les coûts pour la communauté ce qui explique en partie la hausse des dépenses de fonctionnement de la CUM déjà évoquée par la chambre.

Page 37

Evaluation difficile du coût de ce service public : La chambre remarque, à cet égard, que les données figurant dans les comptes administratifs de 2003 et 2004 apparaissent peu réalistes. Il n'est toutefois pas contesté que les coûts de la gestion des déchets communautaires (hors frais de personnel) ont été multipliés par deux en quatre ans. Cette hausse s'explique en majorité par l'augmentation importante des montants de certains marchés sur cette période. La chambre rappelle à la CUM la nécessité de disposer d'informations exactes sur le coût de cette compétence, en conformité avec la réglementation précitée.

Page 45

L'échec de la mise en place de la collecte sélective dans le cadre des marchés : La CUM explique les mauvais résultats de cette collecte sélective, la première mise en place à Marseille, par l'absence d'intérêt des habitants à l'époque pour la valorisation des déchets, ce qui entraînait un mélange des deux collectes et par conséquent l'impossibilité de valoriser les déchets propres et secs. Cependant, la chambre constate que l'entreprise titulaire du marché a pu bénéficier d'une rémunération supérieure à celle prévue initialement dans le marché sans justifier d'un quelconque résultat pendant deux ans.

Page 48

L'analyse des offres : La chambre remarque que plusieurs membres des services techniques de la direction de la propreté urbaine étaient présents lors des deux réunions de la commission d'appel d'offres, choix des candidatures le 21 janvier 2004 et analyse des offres le 7 avril 2004. La chambre observe également que le procès-verbal de cette CAO a été signé par un conseiller communautaire qui ne fait pourtant pas partie de cette commission.

La chambre rappelle que si la présence dans une CAO de plusieurs personnes compétentes dans la matière faisant l'objet de l'appel d'offres est désormais possible depuis 2006, elle ne doit pas influencer de manière significative les membres ayant voix délibérative.

Lire le document de la CRTC :

http://www.ccomptes.fr/fr/CRC22/documents/ROD/PAR200731.pdf 

Pour mémoire aussi, l'épique blog aixois "Poubelle la vie" :

http://poubelle-la-vie.over-blog.com/ 

Et l'article du Canard enchaîné sur les enquêtes qui fâchent :

(Clic sur l'image pour agrandir)

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4 décembre 2009

L'affaire qui fait trembler le système Guérini

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L'affaire qui fait trembler le système Guérini

      

Révélations : à Marseille,

un juge enquête sur des marchés douteux.

   

Par Hervé GATTEGNO, envoyé spécial à Marseille

Dossier publié dans Le Point le 26 novembre 2009

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Au bout du fil, la voix est apeurée, presque paniquée : "Je veux bien vous voir, mais pas à mon bureau. Dans un café ? Jamais de la vie ! On va nous voir : Ils l'apprendront dans l'heure qui suit. Mieux vaut sortir de la ville. Retrouvez-moi chez un ami, ce sera plus tranquille : je vous donne l'adresse…" 

Comme ce chef d'entreprise, ceux qui savent les détails de l'affaire dont toute la ville parle ne veulent se confier qu'à l'abri des regards. Elus, patrons ou fonctionnaires, tous font jurer de taire leur nom, d'éviter tout signe distinctif qui les compromettrait. Ici, depuis que la justice menace d'ébranler ce qu'ils appellent "le système", le silence n'est plus d'or mais de plomb. Tant pis pour la légendaire faconde méridionale : si on "tchatche", c'est en rasant les murs.

Ce qu'ils chuchotent ? De sombres histoires d'appels d'offres truqués, de signatures extorquées, de politiques achetés et de procédures falsifiées. Le récit d'épisodes troubles qui pourraient éclabousser de hautes personnalités. Exagération marseillaise, cette version provençale de "Main basse sur la ville" ? Peut-être pas. Rassuré sur son anonymat, loin des oreilles indiscrètes, le même chef d'entreprise raconte :

"J'ai été convoqué dans un bureau avant l'appel d'offres auquel je concourais. On m'a expliqué que le marché serait divisé en lots et comment les lots seraient répartis entre les quatre candidats. Je n'avais guère le choix : j'ai dû accepter des contreparties. Embaucher des employés qu'on m'a recommandés, promettre de contribuer à des campagnes électorales à venir…

– Rien de plus ?

(Il baisse les yeux)

Qui est ce "on" qui vous aurait convoqué ?

– L'un de ceux dont tout le monde parle.

– Alors, pourquoi ne pas dire son nom ?

– Je ne suis pas un délateur. Et on va m'accuser de complicité. Mais qu'on me dise comment j'aurais dû faire !

– Vous auriez pu alerter la justice sur-le-champ…

– Si je suis appelé à témoigner, je parlerai. Enfin, je crois …" 

D'autres témoins privilégiés l'assurent : qu'une brèche s'ouvre et les révélations vont pleuvoir. Signe avant-coureur de l'orage attendu : alors qu'un imbroglio dans le choix d'une société d'enlèvement des ordures répandait des effluves nauséabonds sur la ville, un reportage de la chaîne locale de France 3 au ton inhabituellement corrosif annonçait, la semaine dernière, l'ouverture d'une enquête judiciaire sur les marchés publics de la communauté urbaine. Le commentaire mettait en avant l'implication de Jean-Noël Guérini, le puissant président (PS) du conseil général des Bouches-du-Rhône, et le rôle joué en coulisse par son frère Alexan­dre, homme d'affaires prospère et patron de plusieurs déchetteries dans le département.

"Insinuations malveillantes", a répondu le baron socialiste marseillais. Mais il se retranche depuis dans son bureau, repousse toutes les sollicitations – y compris celles du Point – et limite ses apparitions publiques. Vendredi soir, il a écourté une remise de médailles du travail au siège du département : plusieurs élus présents assurent l'avoir vu trembler en lisant son discours. Quelques instants plus tard, il assistait seul au match OM-PSG. La victoire de l'équipe marseillaise n'a pas suffi à le dérider.

Officiellement, l'information judiciaire qui inquiète le clan Guérini est ouverte contre X. Mais les qualifications retenues laissent clairement augurer la mise en cause de décideurs locaux : "Atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, trafic d'influence et détournement de fonds publics", a écrit le quotidien régional La Provence. S'y ajoutent les délits de "corruption", "prise illégale d'intérêt" et "blanchiment d'argent", plus lourds encore de suspicions. Quant à la cible des investigations en cours, elle ne fait plus de doute depuis la révélation (par lepoint.fr) des perquisitions, conduites le 19 novembre au domicile et dans les bureaux d'Alexandre Guérini lui-même. De nombreux documents comptables y ont été saisis ainsi qu'une Mercedes. Certains éléments pourraient révéler des abus de biens sociaux au préjudice de ses sociétés : SMA Vautubière,  SMA Energie, SMA Environnement, SMA Développement.

Entourées du plus grand secret depuis leur origine – un courrier anonyme adressé à la justice au début de l'année –, les recherches remontent en fait au mois de février. D'abord dans le cadre d'une enquête préliminaire ordonnée par le procureur de Marseille Jacques Dallest. Rompu à la gestion des affaires délicates, cet ancien chef du parquet d'Ajaccio, qui lança jadis les poursuites contre le préfet Bonnet, saisit les gendarmes de la section de recherches. Ceux-ci établissent des surveillances discrètes sur Alexandre Guérini et plusieurs de ses proches, examinent leurs comptes bancaires, scrutent leur train de vie.

Des écoutes téléphoniques sont mises en place : elles sont assez fructueuses pour justifier l'ouverture d'une information judiciaire, le 14 avril suivant. Le dossier, qui porte notamment sur des marchés de traitement des déchets et sur les agréments donnés à des maisons de retraite, est alors confié au juge d'instruction financier Charles Duchaîne.

Ecoutes téléphoniques.

Sous son autorité, les gendarmes continuent, des mois durant, d'espionner les appels téléphoniques de leur groupe de suspects. Il leur suffit de tendre l'oreille et de noter. Des lieux de rendez-vous, des noms, des chiffres. "Un secret, écrivait Pagnol, ce n'est pas quelque chose qui ne se raconte pas. C'est une chose qu'on se raconte à voix basse, et séparément." A plus forte raison quand on ignore que la ligne est surveillée.

Ainsi les enquêteurs savaient-ils, le jour des perquisitions, qu'Alexandre Guérini se trouvait à ce moment-là au Brésil – quand nombre de ses amis le croyaient aux Etats-Unis. De même connaissaient-ils l'adresse d'un petit appartement HLM qu'il loue toujours dans le quartier des Catalans et dont ils ont aussi forcé la porte : le premier logement qu'occupèrent ses parents, à peine débarqués de Corse en 1956, et obtenu grâce à l'intervention d'un oncle conseiller général.

En un demi-siècle, les deux fils Guérini ont grandi. Chacun de son côté, mais toujours proches. Jean-Noël a pris la lumière ; Alexandre est devenu son ombre. L'aîné a collectionné les mandats et les honneurs, le cadet s'est lancé dans les affaires. Dans leur tandem, il y a le madré et le rugueux, celui qui charme et celui qui impressionne.

Leurs trajectoires sont restées liées. Quand Jean-Noël présidait l'office HLM, Alexandre dirigeait une petite société d'entretien qui révisait la plomberie des immeubles. Et, quand le premier prit du poids au sein de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, le second entra au conseil fédéral et à la commission des adhésions ; sa voix compte toujours dans le choix des investitures au moment des élections. "Parfois, elle compte même double", ricane un élu. Seule sa passion pour le turf semble toute personnelle : il a acquis au moins trois chevaux de course (Vent du Sud, Lord du Sud et Irish Heroes) et figuré parmi les meilleurs éleveurs français.

Reconverti dans le traitement des ordures ménagères, Alexandre Guérini sait en tout cas lier la politique à l'intérêt de ses affaires. Durant les municipales de 2008, il lui est ainsi arrivé de délaisser son frère ­dont il était pourtant le directeur de campagne à Marseille – pour assurer avec l'aide d'un groupe de militants la défaite du maire de La Fare-les-Oliviers, petit bourg des environs de Sa­lon-de-Provence où il possède une décharge ; l'édile en avait refusé l'agrandissement…

Quatre ans auparavant, un épisode moins visible s'était joué à La Ciotat, où il détient un autre dépôt d'ordures – au travers de la société SMA – dont il réclamait l'extension. Le conseil général des Bouches-du-Rhône a exercé son droit de préemption sur le terrain voisin au titre de "la politique de protection des espaces naturels sensibles" et de "la préservation de la qualité des paysages", selon une délibération du 22 novembre 2004 signée… Jean-Noël Gué­rini. Mais le département a ensuite cédé le terrain à la communauté de communes Auba­gne-La Ciotat, qui a donné son feu vert à l'agrandissement de la décharge.

Discrétion. 

Les anciens propriétaires du terrain ont alors saisi la justice pour dénoncer cette manœuvre. "La protection des espaces verts n'a été qu'un vil prétexte pour justifier la préemption, dont l'objet a été détourné au profit de l'extension de la décharge publique", écrivait au tribunal leur avocat. Avec cette allusion explicite : "La personnalité du fondateur de SMA et sa détention du capital attirent l'attention"… Six ans après, la procédure est toujours en cours.

De cela comme du reste, Alexandre Guérini ne veut pas parler. Discret jusqu'à l'obsession, lui qui a toujours pris soin d'éviter les photographes même les soirs d'élection – et qui ne laisse pas même entendre sa voix sur son répondeur téléphonique semble s'être fait invisible. "Il attend sa convocation par les gendarmes", souffle un de ses proches. Il a renoncé à son projet de figurer sur la liste du PS aux régionales du mois de mars et ne répond plus aux appels sur son portable (sollicité à plusieurs reprises par Le Point, il n'a donné aucune suite à nos demandes d'entretien).

Peu avant les perquisitions, il avait réservé ses (maigres) déclarations à une publication confidentielle au nom évocateur : Bak­chich Hebdo. Il s'y flattait de son influence au point de prétendre pouvoir "faire un élu" d'un colleur d'affiches, mais se décrivait comme "un petit qui se bat contre les gros". D'évidence un autoportrait d'une modestie excessive.

A eux deux, les Guérini contrôlent sans partage le PS local comme jadis leurs homonymes gangsters (sans lien de parenté avec eux, mais originaires du même village corse de Calenzana) gouvernaient le milieu marseillais. Défait aux municipales de 2008 par le député (UMP) Renaud Muselier dans le 3e secteur de la ville, le président du conseil général a dû renoncer – pour cette fois – à ravir la mairie à Jean-Claude Gaudin. Mais il a pris sa revanche en réussissant un coup de force : minoritaire en voix, la gauche s'est emparée de la présidence de la communauté urbaine, qui détient aujourd'hui le vrai pouvoir sur les grands investissements locaux, des transports à la propreté et au traitement des eaux et des déchets.

Revirement.

Il y a installé un homme à lui : Eugène Caselli, ancien guichetier de la Caisse d'épargne au tempérament affable, à qui il a adjoint d'office plusieurs collaborateurs de confiance – dont le directeur de cabinet Franck Du­montel, mis en examen par ailleurs dans l'affaire des subventions détournées au conseil régional. Et, pour rompre avec les années Gaudin, une réorganisation des services techniques a aussitôt suivi, supervisée par Alexandre Guérini en personne.

Conséquence : plusieurs dirigeants phocéens de Force ouvrière, syndicat ultra-majoritaire parmi les employés municipaux et les éboueurs, ont été nommés à des postes clés – au passage, le conseil général a racheté la villa de l'un d'entre eux. Dans le même temps, Jean-Noël Guérini opérait un revirement spectaculaire sur les dossiers de la propreté, au cœur des affrontements de la dernière campagne municipale.

Le leader du PS est ainsi revenu sur son serment d'abolir la règle ancestrale du "fini-parti", qui permet aux agents de cesser le travail à la fin de leur tournée et non en vertu d'un horaire. Plus stupéfiant encore : il a levé son opposition au projet d'incinérateur de Fos-sur-Mer, lancé par Gaudin pour éliminer les tonnes de déchets de l'agglomération mar­seillaise et dont le chantier est presque achevé ; il avait pourtant promis haut et fort de l'arrêter au nom du principe de précaution.

Héraut de la contestation contre l'incinérateur, le conseiller général Antoine Rouzaud, autre pilier du système Guérini, a même été fait vice-président de la communauté urbaine et délégué à la propreté, l'assainissement et les déchets. Les élus socialistes opposés à l'incinérateur ont parlé de "trahison". On les a fait rentrer dans le rang. Et l'audit commandé par la collectivité sur ce dossier délicat a été confié à un cabinet d'avocats travaillant pour le conseil général…

Au début du mois, c'est le même Rouzaud qui a involontairement mis le feu aux poudres. En déplorant publiquement que les élus de la commission d'appel d'offres aient refusé d'accorder l'un des juteux marchés des poubelles du centre-ville à la société Bronzo (filiale de Veolia), pourtant désignée par le rapport des services techniques, il a donné le signal du soupçon. Comment les fonctionnaires auraient-ils pu préférer une offre supérieure de 4 millions d'euros à celle du principal concurrent (le groupe danois ISS), qui s'engageait à mobiliser 50 agents de plus ? "Le rapport des services, c'est le point névralgique sur lequel je n'ai aucune prise, admet François-Noël Bernardi, président (socialiste) de la commission d'appel d'offres. Je me porte garant des travaux de ma commission, mais uniquement de cela…" 

"Gomorra".

Résultat : les employés de Bronzo ont bloqué le ramassage des ordures durant six jours et Eugène Caselli, après avoir prétendu saisir la justice, a déclaré l'appel d'offres "sans suite" au nom de "l'intérêt général" – autrement dit le marché a été annulé. Dans l'intervalle se répandait un récit troublant : au cours d'une réunion du PS départemental à Berre ­l'Etang, Caselli et Guérini se seraient violemment disputés au sujet de ce dossier. "Je n'irai pas en prison pour vous !" aurait lancé le premier devant plusieurs élus médusés. Rapportés par Le Canard enchaîné, ces propos ont été démentis par Guérini. Mais Caselli, lui, n'en a rien fait. Plusieurs témoins assurent au Point l'avoir entendu ajouter ce jour-là : "Je ne veux pas que ma mère voie ma photo dans le journal à la page des faits divers…"

Le 9 novembre, en pleine séance du conseil de la communauté urbaine, dans l'hémicycle du palais du Pharo qui surplombe le Vieux-Port, Renaud Muselier, le leader de l'opposition, est allé encore plus loin. "Nous sommes à Marseille, pas à Naples !" s'est-il exclamé avant de déposer, théâtral, sur le bureau d'Eugène Caselli un exemplaire de "Gomorra", le livre de Roberto Saviano qui décrit la corruption des marchés napolitains – et notamment ceux du traitement des déchets – par la Camorra. Ulcéré, Caselli a jeté le livre par terre. La scène a rapidement fait le tour de Marseille.

Depuis, les langues ont commencé à se délier. Dans la ville intriguée, les premiers soubresauts de l'enquête accélèrent la propagation des rumeurs comme une poussée de mistral. Personne ne jurerait que ce vent-là suffira à chasser tous les nuages. Ni que l'affaire ne s'achèvera pas par une tempête.

1 décembre 2009

La justice met le nez dans les poubelles de Guérini

Bakchich Hebdo, Le Canard enchaîné, Libération, La Provence...  désormais, toute la presse en parle ouvertement. Le conflit qui a pourri les rues de Marseille a fourni une visibilité plus grande à ce qui est en passe de devenir une affaire judiciaire.

            

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Article publié le 30 novembre 2009 sur le site de Bakchich.info

            

Début octobre, un juge a été saisi pour enquêter sur les marchés publics des ordures à Marseille. Depuis les révélations de Bakchich, l’enquête s’accélère et les perquisitions se succèdent.

La semaine passée, des perquisitions avaient eu lieu dans l’entreprise et au domicile dAlexandre Guérini, propriétaire de deux des plus importantes décharges de la région et frère du président du Conseil général, Jean-Noël Guérini. Lundi 30 novembre au matin, selon les informations du Point.fr, ce sont les locaux dudit Conseil, le "Vaisseau Bleu", qui ont été perquisitionnés à leur tour, ainsi que ceux de la Communauté urbaine.

Hier aussi, la section de recherche de la gendarmerie a pu fêter la première audition du dossier. Michel Karabadjakian, directeur général adjoint à la propreté de la Communauté urbaine de Marseille (CUM) a passé deux longues heures soumis au feu roulant des pandores. Au moins le garçon aura-t-il une belle histoire à raconter à son pote Alexandre Guérini (cf.Alex et ses bons copains, en fin d'article), qui demande, lui, à être entendu par le juge. Le traitement de faveur infligé à M. K fait suite aux perquisitions réalisées le même jour dans les locaux du conseil général des Bouches-du-Rhône et de la CUM.

La procédure judiciaire ouverte en avril et qui vise Alexandre Guérini retient notamment les qualifications pénales de "corruption", de "blanchiment d’argent" et de "prise illégale d’intérêt", en plus d’éventuelles "atteintes à l’égalité des candidats dans les marchés", "trafics d’influence" et "détournements de fonds publics". 

             

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Article publié le 18 novembre 2008 dans le journal Bakchich Hebdo

(Journaliste : Xavier Monnier)

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(Clic sur l'image pour agrandir) Le superbe dessin de PieR

            

X La chute de la maison Guérini X

               

Trafic d’influence, voire corruption. Ordures. Par tombereaux. Depuis que les sardines tentent avec entêtement de boucher le Vieux-Port, les conversations se troublent à peine plus qu’une mauresque quand ces vilains mots s’enchaînent. De l’acquis. Jean-Noël Guérini, président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, et son frère Alexandre, patron de la SMA La Vautubière, proprio de deux des plus importantes décharges de la région, répartiraient les marchés des ordures. Sans jamais les prendre en charge directement. L’histoire des patrons socialistes des Bouches-du-Rhône se susurre. Et la justice, jusque-là, se tenait à l’écart des bennes à ordures.

Un vent mauvais…

Mais un vent inhabituel s’est maintenant levé sur la ville. Une information judiciaire pour trafic d’influence, détournement de fonds publics, marchés truqués voire corruption sur plusieurs dossiers liés au marché des ordures. En ligne de mire les deux G. Début octobre, avant même la crise des ordures, Charles Duchaîne, un magistrat de la Juridiction interrégionale spécialisé (Jirs) enquête. Ça tombe bien, un brin retors, volontiers provocateur, "Duduch" aime résister aux pressions. Wait and sea, comme on dit ici.

L’affaire de l’appel d’offres sur le marché des poubelles annulé par la Communauté Urbaine a charrié ce vent mauvais vers le Palais de justice quelques dossiers. "Nous avons bien quelque chose sur le gestion des ordures à Marseille, liée aux frères Guérini, souriait un magistrat du parquet. Nous avons reçu des courriers, bien sûr anonymes. Peu, mais assez précis et circonstanciés. Il a fallu lancer une enquête préliminaire, mettre en place des écoutes". Des courriers, datés et précis, que Bakchich a pu consulter. Toujours la même fable, celle des frères Guérini régnant sans partage, sur l’ordure. Sauf que désormais un juge est saisi.

S’il laisse souvent sa très belle Mercedes à la cave, et se la joue discrète, des amis d’Alex sont cités en ville, éclaboussés, ils ont subitement des noms d’embruns (cf. Alex et ses bons copains, en fin d'article).

Dans l'imaginaire marseillais, le nom de Guérini n’est pas rien. Deux autres frères ont régné ici, sur le Milieu. Antoine et Mémé, de la Libération au crépuscule des années Defferre, fin 70. "Mais dans notre village, en Corse, il y a cinquante familles Guérini", s’énerve Alex, qui a reçu Bakchich Hebdo, "on ne va pas s’excuser de notre nom. Tout cela ce n’est qu’une construction politique pour salir mon frère, et empêcher un petit entrepreneur d’exister face aux géants du marché". Difficile de plaider le pot de terre contre le pot Defferre.

"Nono et Alex ont leur caractère, plutôt direct", confie un élu PS

Une vieille huile marseillaise, croisée aux abords de l’abbaye Saint-Victor, sourit. Le spectacle avec vue sur le Vieux-Port, enchante : "On sent que ça bouge. Les élus et responsables, sous la coupe de Nono, commencent à se demander ce qui se passe. Et n’attendent qu’un signe pour le lâcher. Le système vacille".

Mais voilà qu’un élu rose passe. Pas de présentation. "Si je dis que je suis avec Bakchich, en deux minutes on téléphone à Guérini et je me fais avoiner… Les gens sont peu de choses. Pour une voiture de fonction, ils sont prêts à avaler des boas. Et puis Nono et Alex ont leur caractère. Plutôt direct et sont capables de virer du jour au lendemain. Ça crée un climat".

Énorme employeur (8.000 postes), gorgé de subventions, le Conseil général a le budget qui va avec, 1,87 milliard d’euros. Un magot suffisant pour ne se faire que des amis.

Et l’Elysée scrute plus que Solférino cette météo. Le Château a un tropisme marseillais. Christian Frémont, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, qui s’est naguère échiné comme préfet de région ici. Ancien préfet de police de Marseille, Bernard Squarcini, a quitté le Vieux-Port pour diriger la DCRI. Et légué la surveillance de la ville à un proche, le préfet Claymans. Eux savent qu’il vaut mieux regarder quand la bouillabaisse bout.

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Alex Guérini a plein de bons copains

Alex n’a pas caché à Bakchich qu’Antoine Rouzaud, le monsieur poubelles de la CUM "est un ami". Mais qui n’est pas ami dans cette communauté universelle ?

Jean-Pierre Roncin, un expert venu de la mairie (alors FN) de Marignane, pour s’occuper des "transports et de l’aménagement des espaces" est aussi un camarade. En devenant directeur, cet artiste a révélé à Karim Zéribi, un élu de Marseille : "Moi, le transport, j’y connais pas grand-chose…". Pas grave, il apprendra.

Toujours à la CUM, Michel Karabadjakian, (auditionné hier lundi) qui dirige "la propreté l’écologie et le maritime" est sur la liste des potes. Et au Conseil général, Gérard Lafond, le directeur général de "la construction, l’environnement, l’éducation, et du patrimoine" pourrait figurer dans le Facebook d’Alex. Ce technicien de grande qualité possède, parait-il, le grand art de convaincre.

"Bien sûr que je les connais. Comme tout le monde. Comme toutes les sociétés les connaissent. Mais moi quand je les appelle ce n’est pas pour le business, c’est pour que ma ville soit propre et qu’ils se bougent le cul." Entre militants, c’est interdit ?

23 novembre 2009

Solidarité : Une affaire de cœur ou l'affaire de l'Etat ?

Nouvelle polémique sur les appels aux dons. Cette fois, c'est sur le Téléthon, sujet sensible s'il en est. Est-il fait bon usage des fonds récoltés ? Le Téléthon "capte-t-il et parasite-t-il la générosité des Français de manière populiste" ? Est-ce impudique d'"exhiber le malheur des enfants" ? Est-il sain de faire appel au pathos pour tenter de culpabiliser les consciences ? Les déclarations dérangeantes de Pierre Bergé sont accusatoires. Pour autant, ne faut-il pas se poser des questions ?

Cela fait plusieurs années que l'Etat sabre le financement de la recherche publique qui devrait pourtant être une cause nationale permanente. Le même Etat, mais ce n'est pas récent, a toujours compté sur la générosité des citoyens pour pallier ses propres carences. En effet, tout au long de l'année, beaucoup de personnes font des dons à des associations de toutes sortes, avec déduction fiscale pour les plus grandes.

Mais, au fait, a-t-on jamais évalué le nombre de bénévoles qui s'investissent dans les initiatives caritatives, souvent de survie humaine, à tous les niveaux, local, national ou international ? Que deviendraient tous les démunis sans les Restos du cœur, les Banques alimentaires, ATD-Quart monde, la Croix rouge, le Secours populaire, le Secours catholique, pour ne pas parler que des plus visibles ?

Depuis plus de trente ans, à cause du chômage massif et, plus proche de nous, par ces temps de forte crise, ces aides sont quasiment les seuls refuges et expédients possibles pour que les laissés-pour-compte ne crèvent pas totalement de faim. Et quid encore des non ou mal logés, des personnes handicapées ou des personnes âgées isolées… ?

Car ce qui est difficile à admettre, ce sont les immenses disparités qui déclassent de plus en plus des pans entiers de la population pendant que d'autres amassent des fortunes colossales. Ce qui fait problème, c'est la répartition inéquitable des richesses, vécue comme une injustice tant les écarts atteignent des proportions indécentes. Ce qui fait défaut, c'est la volonté politique de mettre en place une échelle progressive des revenus qui donne toute sa valeur au travail tout en assurant, le temps qu'il faut, les moyens d'un minimum vital réellement suffisant pour les catégories privées d'emploi ou inaptes à en exercer un.

N'est-ce pas le rôle fondamental de l'Etat de donner tout son sens et son honneur à notre devise républicaine ? Pour l'instant, c'est loin d'être le cas. Si l'on peut se féliciter de l'utilité de la solidarité populaire sous toutes ses formes, cela ne veut pas dire pour autant que l'Etat doive en tirer prétexte pour ne pas assumer ses missions et ses responsabilités.

Quelques repères 

Ÿ 53 % des Français donnent aux associations et 38 % le font régulièrement, c’est-à-dire au moins une fois par an. L’aide aux personnes en difficultés arrive en tête des causes soutenues, devant la santé, la recherche et l’aide au développement.

Ÿ Les 20 premiers collecteurs de dons de France ont engrangé 1,1 milliard d’euros en 2007 (sur les 3 milliards collectés grâce à la générosité annuelle des Français). On y trouve de grands organismes très présents dans les médias : l’Association française contre les myopathies (l'AFM) et son Téléthon, les Restos du cœur ou la Croix-Rouge française ; mais aussi des organismes plus discrets, tels la Fondation de France ou la Fondation d’Auteuil.

Ÿ L'A330, dit "Air Sarko One", coûtera 185 millions d'euros. Une misère…

Tableaux parus dans le magazine

Alternatives économiques de janvier 2009

(Clic sur les images pour agrandir)

salaires_tableau_1_A

salaires_tableau_1_BPatron moyen

(de + de 50 salariés)     0,135    8,8

Cadre moyen                0,047    3,1

Patron

(de – de 50 salariés)      0,046    3,0

Salarié moyen               0,024    1,6

Ouvrier moyen              0,018    1,2

Employé moyen             0,017    1,1

Smicard                        0,015    1

Valeur du Smic (1.07.2009) :

1.337,70 € bruts mensuels

salaires_tableau_2

20 novembre 2009

Footage de gueule et flouzeball à pleine main

Qu'on aime ou pas le football, impossible de réchapper au matraquage médiatique qui, au moindre match, nous met la tête comme un ballon. La méthode est simple, bien rodée aussi. Il suffit en fait d'en faire de grosses unes, comme s'il n'y avait plus d'affamés, de chômeurs, de guerres dans le monde et on en passe.

C'est alors que l'on déclanche, lentement mais sûrement, la montée en puissance du prétendu événement et la fanatisation des foules qui va avec. Car, qu'on se le dise bien une fois pour toutes, les compétitions sportives ont définitivement acquis le statut de grands rassemblements. Bon d'accord, cornaqués à l'extrême et fliqués à mort, mais que ne ferait-on pas pour notre bonheur, hein ?

Il n'y a plus qu'à nous assigner d'idolâtrer aveuglément, sur parole, des joueurs qui se gavent de l'argent siphonné aux supporters. Des supporters qu'on hystérise à leur en faire perdre tout sens critique, car envieux d'imiter leurs totems, jusqu'au déguisement, mais payés en retour d'illusions et de frissons par procuration.

On nous bassine le cortex avec les platitudes affligeantes d'entraîneurs, proférées sur le même ton monocorde devant des forêts de micros et de caméras, pendant que, dans les coulisses, les margoulins mettent en scène le spectacle, exploitent le système et en profitent à fond.

Reste alors à agiter la gigantesque tambouille coagulée et à nous la faire ingurgiter jusqu'à l'indigestion comme un, ou plutôt le modèle de ferveurs sportives censées former l'expression de liesses populaires, quand les gourous ne vont pas jusqu'à prétendre que nous partageons ainsi une fierté nationale. Et au diable si ce ne sont que des ersatz d'émotions collectives fabriquées à coups abusifs de Marseillaise.

Escamotés, amnistiés, le déferlement publicitaire, le chauvinisme, le fric, le dopage et la triche. Oui, à la bourse abrutissante des valeurs artificielles et busardes, on se contrefout du respect, de l'honnêteté et du fair-play. Et à l'aune de ces arnaques, il faut s'y faire, les lumineux héros du quotidien risquent de moins en moins d'être ceux qui se dévouent, protègent, secourent, soignent, éduquent, sans fanfaronner, eux, pauvres sans gloire.

Mercredi soir, un arbitre a raté son coup. Il n'a pas vu ou pas compris qu'un jeu de main et de vilain a tout faussé. Et là, on a eu droit à tout le pathétique toutim : les commentaires sincèrement désolés de quelques honnêtes personnes, les propos carrément minables de vrais crétins répétant que, de toute façon, ce qui compte, c'est que la France a gagné et peu importe la manière, les silences cyniquement calculés d'une bande de fautifs craignant une invalidation du match.

Quelle triste et méprisable mentalité que celle qui accepte la tricherie inavouée, le résultat frauduleux ou la victoire frelatée, ou qui s'en accommode sans honte.

Tiens, du coup, cela me fait penser à certains politiques. Vite, un vaccin !

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Dessin de Perth dans Siné Hebdo

Pour rester sur le même terrain, voici un article réjouissant publié le 13 mai 2009 dans Siné Hebdo, gardé sous la main pour vous en faire profiter le moment venu, qui tombe donc aujourd'hui. 

(Clic sur l'image pour agrandir)

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