20% de logements sociaux : La loi encore contournée
Un article de Bertrand Bissuel, paru dans Le Monde du 3 juillet 2008, fait le point.
45% des communes restent encore à la traîne
par rapport à leurs obligations légales
Le logement social a-t-il retrouvé des couleurs dans les communes qui en avaient peu ou pas assez ? Oui, d'après Christine Boutin. La ministre du logement a dévoilé, mercredi 2 juillet, un bilan de l'application de la loi SRU ("solidarité et renouvellement urbains") sur la "période triennale" 2005-2007. C'est la première fois que l'Etat donne une vision d'ensemble de l'impact de ce dispositif combattu par de nombreux élus de droite lors de sa discussion au Parlement il y a huit ans.
Promulgué fin 2000, le texte oblige quelque 730 communes à atteindre le quota de 20% logements sociaux en vingt ans, selon un "programme de rattrapage" précis. De 2005 à 2007, 93.000 logements "ont été créés" (c'est-à-dire financés ou construits) dans les municipalités soumises à la loi SRU alors qu'elles étaient tenues d'en réaliser 63.000, selon Mme Boutin. Une majorité de maires ont respecté leur plan de rattrapage (400 sur 730). Ce "résultat positif" constitue une "surprise", a commenté la ministre. Il mérite toutefois d'être relativisé.
330 communes (soit 45% des "villes dites SRU") n'ont pas atteint leurs objectifs entre 2005 et 2007. Elles étaient plus nombreuses lors de la période 2002-2004 (363). Surtout, de fortes disparités persistent. Des municipalités comme Bordeaux, Lyon, Marseille ou Paris vont au-delà de leurs obligations ; souvent, elles sont proches du seuil des 20%. A l'inverse, de nombreuses collectivités locales restent à la traîne ; dans la plupart des cas, leur taux de logement social est faible (par exemple, 3,2% à Neuilly-sur-Seine, qui n'a réalisé que la moitié de ses objectifs). 37 communes n'ont même strictement rien construit en trois ans !
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, environ 80% des municipalités affichent des scores inférieurs à leurs objectifs. Cette région s'était déjà distinguée par de piètres résultats sur 2002-2004. Les villes sous la barre des 20% sont pourtant assujetties à une ponction financière dont le montant varie en fonction du déficit de logements sociaux. Si elles ne suivent pas leur plan de rattrapage, ce prélèvement peut être majoré par le préfet - ce qui a été fait à l'encontre d'environ 150 villes, à l'issue de la première "période triennale".
Visiblement, ce mécanisme n'a produit aucun effet chez certains élus locaux, qui agissent comme s'ils préféraient payer l'amende plutôt que de bâtir des logements sociaux. Le cas des "retardataires" va être examiné par des commissions départementales ; à charge pour elles de proposer des solutions en fonction des difficultés rencontrées (rareté et cherté du foncier, servitudes particulières, multiplication des recours de riverains, etc.). Si des problèmes subsistent, une commission nationale sera saisie.
En théorie, les préfets peuvent se substituer aux maires récalcitrants pour engager la construction de logements sociaux. Mais cette disposition de la loi SRU n'a jamais été appliquée. Elle pourrait l'être à l'avenir, notamment pour les situations "aberrantes", a laissé entendre Mme Boutin. Enfin, la loi en préparation sur le logement, qui doit être présentée fin juillet en conseil des ministres, pourrait instaurer de nouvelles procédures visant à faire respecter la règle des 20% ; un droit de préemption donné au préfet est évoqué.