La bataille fait rage au Palais Bourbon. On parle de "simplification" mais on s'apprête à augmenter le nombre d'articles du code du travail. Le but du gouvernement ? L'élimination de bon nombre de protections sociales des salariés, on ne peut pas dire autrement. L'opposition a dénoncé un texte "scandaleux".
Voici le point de situation qu'en fait la revue Challenges le 5 décembre 2007.
L'Assemblée nationale n'a pas achevé dans la nuit de mardi à mercredi l'examen d'une loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail. Une ordonnance qui réécrit ce texte qui régit la vie de 17 à 18 millions de salariés et que le Sénat a déjà ratifiée le 26 septembre.
Le vote du projet de loi a donc été reporté à mercredi 5 décembre dans la matinée. L'opposition a défendu, mais en vain, des dizaines d'amendements. A la levée de la séance, vers 2 heures, 4 amendements PS avaient été adoptés dont l'un rétablissant la consultation du comité d'entreprise sur une augmentation de la durée maximale du contrat à durée déterminée en cas de commandes exceptionnelles à l'exportation. Pour le reste, les députés ont entériné la version votée par le Sénat.
"Déclassification" et "éclatement"
Le débat a été très polémique, puisque l'opposition et les syndicats ont protesté contre un texte "scandaleux" et "dangereux", qui remet selon eux en cause les droits des salariés. "Cela devait être une recodification à droit constant, une procédure normale pour rendre un texte lisible et accessible", or on a "un texte qui va modifier le fond du droit" aux dépens des salariés, s'est ainsi indigné le député PS Alain Vidalies.
Martine Billard (Verts) s'élève contre "le silence total" dans lequel s'est faite cette recodification à laquelle l'Assemblée a prévu de consacrer "moins d'heures de débat que pour le texte sur les chiens dangereux". L'opposition avait prévu de défendre trois motions de procédure et environ 150 amendements sur le texte, critiqué sur trois points.
Le premier est la "déclassification" de 500 articles, qui passent de la partie législative du code à sa partie réglementaire, et seront plus facilement modifiables, par décret. Le deuxième est "l'éclatement du code du travail" par le transfert de dispositions vers des codes parallèles comme le code rural, le code maritime ou le code des transports. Roland Muzeau (PCF) juge ainsi que "l'atomisation du code du travail est le pire des dangers qui guettent les millions de salariés". Selon l'inspecteur du travail Richard Abouzit, les salariés agricoles "perdront le 1er mai comme jour férié et l'affichage du nombre d'heures travaillées ne sera plus obligatoire".
1.761 articles supplémentaires
Le troisième point qui suscite des critiques est l'adjonction "de 1.761 articles supplémentaires" (*). Martine Billard s'inquiète ainsi "d'ajouts ou de suppressions significatifs" comme le fait que "le travail dominical sera désormais subordonné aux besoins du public".
L'inspecteur du travail Gérard Filoche, membre du conseil national du PS, s'élève contre "la suppression du doublement des indemnités de licenciement accordé en 2002" et "le partage des obligations en matière d'hygiène et de sécurité entre l'employeur et le salarié".
La CFTC, elle, dénonce le "nouveau visage" du code et regrette que "les formules traduisant une obligation, comme 'doit' ou 'est tenu', traditionnellement employés dans le code du travail, aient toutes disparu au profit du simple verbe conjugué à l'indicatif présent". Elle se félicite néanmoins d'avoir obtenu "le maintien en partie législative de l'article relatif à la procédure d'urgence instituée au bénéfice des salariés titulaires de contrat de travail à durée déterminée (CDD) leur permettant d'obtenir la requalification de leur contrat en CDI".
Parisot sceptique
Face à ces critiques, la rapporteure du projet, Jacqueline Irlès (UMP), défend un texte qui "permet de rendre plus accessible le code du travail, sans modifier le contenu", et qui va "permettre d'insérer des dispositions votées récemment" comme "la formation des femmes reprenant une activité", ou de "combler des oublis en matière de congé maternité".
La présidente du Medef, Laurence Parisot, reste sceptique. "Cette réforme se fait à droit constant, cela veut dire qu'on ne change rien sur le fond et je ne suis pas sûre que cette réforme soit réussie", a-t-elle déclaré mercredi sur France 2. "Je crois qu'il faut que l'on apprenne à faire simple, à faire efficace en France, il faut travailler le comment".
* Le code du travail contient 2.400 pages, soit près de 2.000 articles.