Décret EDVIGE : Alliot-Marie fait encore sa maline
Auditionnée jeudi à l'Assemblée nationale par la commission des lois, Michèle Alliot-Marie s'est encore un peu plus enfoncée dans le discrédit. "Le fichier Edvige était trop flou et trop général, il fallait donc l'améliorer", a-t-elle mastiqué sans aucune honte devant les députés présents et face aux caméras. "Les renseignements sur la santé, la vie sexuelle et les choix religieux ne servent à rien, il est donc inutile de les faire figurer dans le fichier," a-t-elle commenté, comme frappée par la découverte.
Evidemment, elle n'a pas trouvé ça toute seule. Des milliers de mécontents le lui avaient envoyé dire. Que lui importe, elle aime bien faire celle qui a toujours une idée lumineuse. Il y a encore quelques jours, elle narguait tout le monde à tour de micros pour faire sa maline en cautionnant un fichier à la KBG ou la Stasi.
Nous sommes tous des délinquants, oui, tous ! Ben, voilà, retour à l'envoyeur. M'est avis qu'on devrait lui décerner un gros malus, c'est à la mode, lui enlever des points sur son CV et lui en faire quelques-uns pour recoudre son cerveau.
On a dégommé un grand chef de la police pour une histoire de nain en plâtre dans le jardin corse d'un clown. Qu'attend Nicolas Sarkozy pour dégommer à son tour cette irresponsable ? Et le président lui-même, ne devrait-il pas s'auto-licencier pour avoir choisi une si mauvaise ministre ?
Pour alimenter la réflexion, je reproduis ci-dessous un article paru dans la rubrique "Rebonds" de Libération du 18 septembre 2008, écrit par Patrick Klugman, avocat à la cour, vice-président de SOS-Racisme, conseiller de Paris, groupe socialiste et radical de gauche.
Simplement, retirez Edvige !
Edvige, c’est un bien joli nom pour une vilaine idée. Il est évidemment nécessaire pour la toute nouvelle Direction générale de la sécurité intérieure de disposer d’un fichier de renseignement efficace. Mais, même après les contorsions et les promesses du gouvernement pour rendre ce fichier présentable, rien n’y fait : Edvige ne doit pas être amélioré mais retiré.
En vérité, tout dans cette affaire est scandaleux, à commencer par l’hypocrisie qui a servi de prétexte à sa création. Selon une rhétorique désormais usée, le pouvoir exécutif explique qu’Edvige répond au louable souci de donner un cadre juridique à des pratiques préexistantes. Voilà une bien curieuse notion de l’Etat de droit qui voudrait que quand l’Etat bafoue ses propres règles, il s’en crée de nouvelles qui sont conformes à ses écarts. François Mitterrand avait certes violé les principes républicains les mieux établis en faisant procéder à des écoutes illicites, mais il avait eu le bon goût de ne pas chercher à donner à de telles dérives une apparence légale.
De plus, qui mieux que Nicolas Sarkozy - qui a subi les affres d’une enquête illégale diligentée au plus haut niveau de l’Etat sur la base de fichiers truqués - pouvait mettre un terme aux tentations barbouzardes des services ? Vient ensuite la méthode qui consiste à procéder en catimini, par décret, au début de l’été plutôt qu’au grand jour par la loi, aux termes d’un vote sur une question qui implique une restriction des libertés. De cela au moins, le gouvernement aura été puni, puisqu’il a dû concéder la procédure législative qu’il avait soigneusement contournée dans un premier temps.
Reste l’essentiel. Pour son aspect le plus problématique, Edvige confère aux services de renseignement un pouvoir exorbitant d’enquête et de collecte d’informations privées sur toutes les personnes ayant un rôle sensible dans notre pays. L’article 1-I du décret du 27 juin 2008 dispose en effet qu’il a pour finalité "de centraliser et d’analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au gouvernement ou à ses représentants pour l’exercice de leurs responsabilités". Rappelons qu’en l’état, les informations collectées concernent notamment le patrimoine, la santé, l’orientation philosophique, religieuse, politique et sexuelle. La conservation comme la consultation de ces données ne sont encadrées par aucun garde-fou sérieux d’autant que les personnes visées ne disposent d’aucun droit d’accès et de rectification en violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme.
Au vu de ce décret, le gouvernement dispose d’informations susceptibles de faire pression sur tous ceux - de Philippe Val à Bernard Thibaut - qui ont la vocation, la profession ou le goût de s’opposer à lui. Sus à Knock, grâce à Edvige, toute personne "importante" est un délinquant qui s’ignore… mais qui ne sera plus ignoré. En bref, le fichier traite en suspect tout individu dont le seul tort est d’être un citoyen engagé et livre à l’emprise de l’Etat la vie privée de ceux qui ont le plus besoin d’en être protégés.
De cela notre démocratie ne peut se satisfaire. Car le nouveau dispositif de renseignement ne heurte pas seulement nos consciences. Il viole notre droit et partant devra être tenu pour illégal par le Conseil d’Etat qui se prononcera prochainement. Edvige est contraire à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, inscrite dans le préambule de notre constitution, dont l’article 10 dispose que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi" et l’article 12 précise […] "que la force publique est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée".
En s’opposant à Edvige, certains ont raison, à gauche, de se revendiquer du libéralisme car il ne s’agit de rien d’autre que de protéger le citoyen contre l’intrusion et l’arbitraire de l’Etat. A présent, un nouvel Edvige nous est promis et serait déjà prêt. Choix cornélien pour le gouvernement : soit ce texte est vidé de ses dispositions les plus choquantes et il n’en reste rien. Soit il est maintenu en l’état et il sera promis à l’annulation judiciaire. La réponse pourrait se situer du côté de l’Elysée. Le président de la République a lancé une pirouette dont il a le secret : "Je veux une solution […], avec une règle très simple : tout ce qui est nécessaire à la sécurité des Français, il faut le garder. Tout ce qui n’est pas indispensable à la sécurité des Français, il faut l’enlever." Monsieur le Président, puisque cette règle est simple, je vous propose de l’appliquer simplement : retirez Edvige !