Sonder ou (se) tromper ?
Les biais méthodologiques (6)
Pour être valable, un sondage politique doit être mené avec beaucoup de rigueur, à tous les stades : définition de questions claires et précises, constitution de l'échantillon, formulation des questions, saisie des réponses, retraitements et redressements. Or, des erreurs peuvent s'insérer à chacune de ces étapes, d'autant plus que toutes ces opérations sont réalisées très souvent dans des délais extrêmement courts, sous la pression des événements et des commanditaires.
En supposant que toutes les précautions ont été prises pour éviter les erreurs de base, il est des biais plus difficiles à éviter. Les plus importants sont liés au choix de l'échantillon. En effet, la méthode des quotas qui est utilisée pour choisir l'échantillon peut être mise en œuvre avec plus ou moins de finesse.
Les critères utilisés sont nécessairement peu nombreux, notamment pour des raisons de coût et de simplification. Généralement, on utilise l'âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle, la catégorie d'agglomération et la région. Pourtant, d'autres critères tel le niveau d'études, le statut marital ou la présence d'enfants sont déterminants dans le comportement de vote.
Par ailleurs, les critères utilisés peuvent eux-mêmes se heurter à une réalité plus complexe. Ainsi, la catégorie "Inactifs", qui regroupe quasiment le tiers de la population française, est souvent traitée en bloc. Or, on retrouve dans cette catégorie des populations très diverses (femmes au foyer, jeunes sans emploi, retraités). Et même lorsque ces sous-catégories sont prises en compte séparément, il est difficile de gérer des paramètres encore plus fins mais très déterminants dans les intentions de votes, telle l'ancienne profession des retraités, par exemple.
Toujours concernant le respect de la représentativité de l'échantillon, on constate qu'un nombre croissant de personnes refusent de répondre aux enquêtes téléphoniques, surtout lorsqu'il s'agit de questions aussi engageantes que celles des sondages politiques. Les populations qui répondent le plus volontiers ont souvent un niveau d’étude supérieur et portent de l’intérêt à la vie politique. Les abstentionnistes, jeunes et autres blasés de la politique se retrouvent donc sous-représentés.
Tout cela fait que les quotas sont plus difficiles à atteindre et que la tendance devient forte d'utiliser la méthode du redressement d'échantillons pour effectuer les rattrapages nécessaires (avec un risque d'erreur d'autant plus important que le redressement affecte des coefficients forts à certaines catégories peu interrogées).
A ces biais habituels s'ajoutent de nouvelles difficultés, auxquelles les instituts de sondages vont devoir répondre dans les années à venir pour assurer la fiabilité de leurs résultats. Ainsi, si le téléphone, média privilégié pour les sondages d'opinion, assure actuellement une représentativité satisfaisante, un phénomène nouveau suscite quelques interrogations : la multiplication des téléphones portables. En effet, de plus en plus de Français se désabonnent de leur ligne fixe au profit de numéros mobiles. Or il n'existe pas aujourd'hui un annuaire exhaustif des téléphones mobiles. En outre, il est plus difficile d'administrer une enquête sur mobile que sur une ligne fixe.