V'Hello : Aix condamnée à payer une indemnisation de 2 M€ à JCDecaux !
ROUES CARRÉES. Rappelez-vous. Le dispositif V'Hello avait été installé en 2006. Mal en avait pris à la municipalité car il a vite périclité. Au point qu'en 2011 Maryse Joissains avait rompu unilatéralement le contrat avec JCDecaux. J'avais moi-même alerté depuis le début que ça ne tenait pas la route. Après plusieurs années de procédures entre les deux parties, un protocole transactionnel vient de mettre fin au litige. La Ville d'Aix est condamnée à payer près de deux millions d'euros de préjudice. En fait, Aixois, c'est avec votre argent !
La municipalité se voulait pionnière en matière d'installation de vélos en libre-service, essentiellement dans le centre-ville : 16 stations et 200 vélos suite à un contrat passé pour 13 ans avec la société JCDecaux France qui avait été la seule à déposer une offre. C'était déjà un brin louche. La mairie s'en était vantée en affirmant que c'était une chance et un bon accord.
Déjà, entre 2007 et 2009, l'affaire avait des airs de fiasco car la fréquentation du service déclinait sans espoir de reprise. Il ne restait plus que 143 utilisateurs en 2011 ! A cette date, Maryse Joissains a bel et bien été obligée de reconnaître l'échec. Par délibération, elle décidait de résilier unilatéralement le contrat sachant que la Ville aurait à payer des indemnités. JCDecaux, mastodonte des mobiliers urbains et aussi donc des prestations vélo a attaqué la commune, à juste titre, pour faire valoir le préjudice pour sa société estimé globalement à 2.919.383 euros hors taxe. Bigre ! En 2012, le tribunal administratif lui a donné raison. En 2016, les juges ont condamné la Ville à verser 1.911.340 euros. Aix a fait appel de cette décision. De même, JCDecaux qui réclamait plus de 3 millions d'euros.
Un expert désigné a, lui, évalué les pertes du délégataire à 2.020.500 euros. En 2022, la cour administrative d'appel a condamné la Ville à régler 1.941.750 euros. On le comprend, chacun des deux contractants a tout fait pour essayer d'y perdre le moins possible. Ils ont tous les deux saisi la cour de cassation. Mais, comme cela commençait à bien faire, ils ont cherché à trouver un compromis en faisant des concessions de part et d'autre. Cela aboutit en général à établir un protocole transactionnel reconnaissant les désaccords pour solder le litige "à l'amiable". On ne parle pas ici d'une simple facture à hauteur du prix du kilo de tomates. Il s'agit bien d'un pactole de 1.969.977 euros que municipalité doit verser à JCDecaux.
Ce protocole a été présenté au conseil municipal du 9 juin et n'a été voté que par la majorité qui est seule responsable, les oppositions ayant voté contre ou s'étant abstenues. Aixois, vous savez maintenant combien vous a coûté ce délire.
Personnellement, dès le début, et j'en avais narré régulièrement le feuilleton, j'avais pourtant alerté Maryse Joissains sur l'aspect juridique du dossier qui combinait étrangement la délégation de service public pour les vélos et le marché public des équipements (500 abribus et panneaux d'information). J'avais informé la chambre régionale des comptes, en produisant tous les documents sur les faiblesses du marché. Une magistrate m'avait rendu visite pour examiner les détails.
Extraits de mes écrits précédents
Les vélos de la discorde
Là où les choses prennent un autre tour, c'est lorsqu'on examine la forme de la procédure utilisée. Car, à ce marché, la municipalité a conjoint un autre projet – un service de prêt de vélos – artificiellement lié au premier. Pour comprendre, il faut savoir que le premier est un marché public fondé sur une concurrence pour laquelle la ville paie et n'encaisse rien. Pour le second, la perception de recettes alimentées par les usagers nécessite une délégation de service public accordée à un concessionnaire qui se substitue à la ville qui paie une redevance de 640.000 euros par an ! Les deux marchés auraient donc dû être traités de manière distincte.
Rapport de la Chambre régionale des comptes sur le dispositif V'Hello
"Il s'apparente autant à une opération de promotion de l'image de la collectivité qu'à la mise en place d'un véritable service à la population. Les possibilités de mise en concurrence du dispositif V'Hello ont été restreintes en raison de son intégration au marché relevant du mobilier urbain (un seul candidat : JC Decaux). Il en résulte un coût annuel pour la collectivité de 3.000€ par vélo. Le choix de la collectivité s'explique d'autant moins que le poids des prestations relatives aux vélos représente 73,5% des prestations totales. On constate une sous-utilisation des vélos pour la première année de fonctionnement du dispositif et donc un niveau de recettes de location très faible. Cette sous-utilisation est liée à une publicité insuffisante, à une mauvaise implantation de certaines stations de vélos et aux difficultés de déplacement dans le centre historique."
Mon commentaire : Coûteux et peu rigoureux…
La Chambre a relevé l'incongruité du dispositif V'Hello. Comme je l'avais souligné en son temps, l'appel d'offres unique aurait dû faire l'objet de deux marchés distincts : l'un pour les vélos, l'autre pour le mobilier urbain. En regroupant les deux, la municipalité a ainsi réduit la mise en concurrence à la seule candidature susceptible d'y répondre sous cette forme, JC Decaux. Ce qui en résulta sans surprise. L'os, c'est que la Chambre régionale des comptes pointe à son tour la mauvaise affaire faite par la Ville : "Une meilleure analyse des besoins avec une mise en concurrence séparée du marché de mobilier urbain aurait sans doute permis de mettre en place un dispositif mieux adapté et moins coûteux".