Dans son numéro du jeudi 19 juin 2008, le magazine Le Point a publié un bon dossier "Spécial Aix" de 20 pages. Voici l'article politique signé par Thierry Noir et Olmer-Jourdan Roulot. L'analyse est intéressante.
Réélue à la mairie d'Aix et à la présidence de la CPA, Maryse Joissains compte bien étendre encore son influence. En coulisse, ses rivaux et ses opposants préparent la riposte. Etat des lieux avant les grandes manœuvres des sénatoriales.
Ce n'était pas joué d'avance. Même ses amis doutaient, en mars. Mais "Maryse" a gagné les élections municipales et la présidence de la communauté du pays d'Aix (CPA). Or, dans le même temps, si le patron de la droite provençale, Jean-Claude Gaudin, a conservé la mairie de Marseille, le candidat pressenti pour lui succéder à la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, Renaud Muselier, a échoué face au socialiste Eugène Caselli. Le rapport de forces sur l'échiquier politique de la droite des Bouches-du-Rhône s'en trouve légèrement modifié.
Forte de ses succès, et de la défaite relative de l'UMP à Marseille, Maryse Joissains a les coudées plus franches pour défendre, aux sénatoriales de septembre, la candidature de sa fille Sophie, en position éligible sur la liste UMP. Une idée qui n'a pas été bien accueillie à Marseille. Mais les instances départementales de l'UMP n'ont pas pour l'instant d'arguments de poids pour contrer cette perspective.
"La première place de la liste ne se discute pas, elle revient à Jean-Claude Gaudin, explique Maryse Joissains. La loi impose une femme en deuxième position et la logique politique veut que ce soit une personnalité d'Aix, deuxième ville du département, qui désigne un nombre important de ces grands électeurs qui votent aux sénatoriales." Dès lors, qui, selon elle, correspond le mieux à ce portrait-robot ? "Sophie a les diplômes pour, une grande expérience professionnelle et l'envie de servir ses concitoyens. Elle est adjointe au maire chargée de la politique de la ville, elle a été élue il la vice-présidence de la communauté d'agglomération avec le maximum de voix", plaide la maire d'Aix.
Favoritisme
Accusée de népotisme, l'ancienne avocate balaie d'un revers de main cette charge : "Je soutiens la candidature de Sophie. Mais il lui reviendra de faire campagne pour être élue. Dit-on de la députée PS Sylvie Andrieux, dont le père fut sénateur, qu'elle travaille mal ? Et quid du socialiste Christophe Masse, qui fut député comme son père et son grand-père ? Quand il s'est lancé en politique, Bruno Genzana n'a-t-il pas été adoubé par Jean-Claude Gaudin ?" Ce dernier exemple n'est pas pris au hasard.
Elu avec Maryse Joissains en 2001, Genzana, son suppléant à la députation, devait prendre sa place à l'Assemblée nationale, madame la maire allant initialement rejoindre le Sénat. Mais voilà, un an avant les municipales, l'ancien adjoint au tourisme aidé par Stéphane Salord, un autre adjoint de Joissains, a voulu instaurer un rapport de forces analysé par la maire comme une trahison. La rupture qui s'est ensuivie a bouleversé le plan sénatorial de la maire.
Guérilla
Depuis, la bataille continue… Même si, en octobre 2007, Bruno Genzana est devenu salarié du groupe Hersant Média, propriétaire notamment de La Provence. "Je collabore à mi-temps comme conseiller pour la stratégie commerciale", précise-t-il. Pas question pour autant de quitter la scène politique. Il est conseiller municipal d'opposition et président d'Agir pour le 13, un groupe de quatre élus au conseil général, et il entend bien le rester. Néanmoins, Genzana se défend de vouloir instaurer une guérilla permanente. Ce qui ne l'a pas empêché de réactiver les "Ateliers de l'avenir", machine de guerre qu'il avait lancée en 2006 dans l'optique de la bataille des municipales.
De son côté, Stéphane Salord dit n'avoir renoncé à rien. Désormais directeur général de la société aixoise Mona Lisa, il court les vernissages et les manifestations. Occupant le terrain "pour garder le contact", Stéphane Salord vient de réunir ses troupes pour préparer les échéances futures. "Je serai candidat aux cantonales de mars 2010", annonce-t-il déjà. Toujours membre du conseil politique national du parti du président, il garde la main sur la section sud de l'UMP - l'autre section étant favorable à la famille Joissains.
Salord prévoit d'ailleurs de solliciter l'investiture de l'UMP, même s'il anticipe un échec, persuadé que l'entourage de Maryse Joissains fera tout pour lui barrer la route. "Je me sens assez fort pour aller à l'élection seul", explique Salord. Il prendra aussi bientôt ses fonctions de consul général des Comores pour la région Paca. Un activisme qui force l'admiration de ses amis. "Il est incroyable", s'amuse le MoDem François-Xavier de Peretti, candidat malheureux aux municipales, qui continue le combat. Au sein du MoDem, Peretti vient d'intégrer la commission nationale chargée du contrôle des adhésions et des arbitrages dans les fédérations. Sur le plan départemental, il sera candidat pour conduire la nouvelle présidence collégiale du mouvement démocrate, qui doit être installée en septembre. Dans son viseur, pour les prochains mois, la préparation des élections européennes et régionales.
Mais c'est Salord qui trace déjà les lignes de la "reconquête". "Avec Bruno Genzana et François-Xavier de Peretti, on ne lâchera rien." Peretti, lui, estime que la campagne municipale a été porteuse d'espoirs pour l'avenir. D'autant que, s'il entrevoit un climat "apaisé" au conseil municipal, "pour la première fois depuis sept ans", il voit dans la vice-présidence de la CPA accordée par Maryse Joissains au socialiste Jacques Agopian le signe d'une collusion. "C'est se vendre pour un plat de lentilles, commente Salord. Aujourd'hui, nous sommes la véritable opposition."
Fédérer l'opposition
Reste que la place d'opposant est déjà occupée. Alexandre Medvedowsky n'est-il pas arrivé, avec 43% des suffrages (700 voix d'écart), derrière Maryse Joissains au second tour des municipales de mars ? D'entrée, le conseiller d'Etat relativise la portée politique de "l'ouverture" de la présidente de la CPA. "Tous les maires socialistes de l'agglo sont déjà, de droit, vice-présidents. Seule l'opposition aixoise n'était pas représentée au bureau de la CPA et n'avait donc pas les infos. Celle injustice est réparée", explique Medvedowsky. Ce dernier continue de préparer l'alternance "en rassemblant les citoyens aixois qui se sont reconnus dans notre liste, les socialistes, les communistes et tous ceux qui veulent autre chose".
Concernant Michel Pezet, qui avait mené une liste dissidente au premier tour, nettement devancée par la liste officielle du PS, Medvedowsky est sur la réserve. "Il a été le facteur essentiel de notre défaite, mais je ne veux pas en dire plus. La page est tournée et je regarde vers l'avenir", observe-t-il. ll aurait pu se maintenir au second tour, mais le célèbre avocat socialiste avait préféré se retirer, appelant à voter Medvedowsky. "Nous avons innové, analyse Michel Pezet. Notre liste, "Aix à venir", a donné naissance à une association, "Aix citoyenne", présidée par Roselyne Arnaud." Pezet, qui va s'impliquer pour Bertrand Delanoë dans la campagne interne du PS, ne sait pas de quoi son avenir politique sera fait. "On verra bien, dit-il. Je ne m'interdis rien."
Loin de ces états d'âme, Maryse Joissains, elle, s'autorise à rêver pour Aix. Elle veut rénover le centre-ville pour aller vers une piétonisation partielle, mais aussi lancer des concours d'architectes-urbanistes pour améliorer les relations entre le centre-ville et les quartiers périphériques. Côté loisirs, la maire souhaite également faire appel au secteur privé pour installer un grand complexe ludique et sportif aux Trois-Pigeons et engager des discussions avec le conseil régional afin de financer un centre consacré aux musiques actuelles dans l'ancien stadium de Vitrolles. "Il nous faut changer de logique territoriale et discuter encore plus avec les collectivités qui nous entourent et avec les pays de la rive sud de la Méditerranée", martèle-t-elle.
Reste qu'une méchante rumeur affirme qu'elle laisserait son poste de maire en cours de mandat à sa fille Sophie. "Il n'en est pas question, jure-t-elle. Je reste maire d'Aix. Rien ne dit que je ne serai pas candidate à ma succession en 2014." Voilà qui est dit.