Quand les journalistes font le trottoir
Hier soir, j'ai regardé l'émission "Droit d'inventaire" sur France 3. Belle hypocrisie ! La présentatrice Marie Drucker, compagne d'un ancien ministre, fille de l'ancien parton de M6, nièce de celui qui aime tous les politiques et fait de longues émissions sirupeuses qui suivent toujours le sens du vent, recevait, entre autres, Catherine Nay, dont le compagnon est aussi un ancien ministre.
Et, pour notre malheur, le Patrick Poivre qui, depuis qu'il s'est fait lourder de la chaîne aux programmes béton, arpente tous les trottoirs, tous les couloirs, va pleurer sur tous les plateaux et s'érige en journaliste indépendant et irréprochable, lui qui a bouffé toutes les soupes et qui essaie de faire oublier sa fausse interview de Fidel Castro, ses "blancs" sur des informations dérangeantes concernant son ancien patron et les voyages en avion offerts par des politiques. L'homme qui, selon ses dires, affectionnait la pudeur n'arrive plus à la réprimer et s'étale ad nauseam sur tous les écrans.
Voilà par qui les Français sont "informés", des gens qui s'invitent entre eux, aux ordres des pouvoirs, au centre d'intrigues et sous les draps d'une confrérie connivente de la presse et de la politique. L'émission n'est qu'un alibi, une mascarade, un paravent, j'allais dire un cache-sexe.
On fait semblant d'analyser, on fait des retours dans l'histoire de la télé et on fait croire aux téléspectateurs que l'on parle librement. On évoque les débarquements de journalistes ou de présentateurs au gré des changements politiques. Y passent Christine Ockrent, épouse du ministre Bernard Kouchner, on occulte Béatrice Schönberg, femme du ministre Jean-Louis Borloo, on ne fait aucune mention des noms de fils, fille ou parent de… (par exemple, Jean-Pierre Elkabach qui en a placé quelques-uns) pourtant lisibles dans les génériques de certains programmes.
Pour la honte que je ressens pour eux, je ne veux même pas faire allusion à ces journalistes dont tout le monde sait qu'elles ont fréquenté les palais et même plus pour autres affinités et qui viennent nous cligner des yeux soit aux actualités, soit comme chroniqueuses.
Et puis, hier soir, comme depuis quelques temps, en trois minutes, Anne Sinclair qui, depuis les Etats-Unis où travaille son mari (quand il ne fait pas de petites pauses...), vient faire ses misérables "ménages" pour Canal + sur les élections américaines.
Il y a des jours où il est bon de se dire que, pour s'informer, il ne faut faire aucune confiance à ces castes consanguines qui s'acoquinent sans vergogne, qui acceptent les pressions, les compromissions et les soumissions, qui se gavent sur la crédulité des gens, qui ont perdu tout sens de l'honneur et qui marchent penchés, perclus par leurs courbettes.
Que ceux qui n'ont pas vécu les grandes œuvres hypnotiques de l'ORTF n'aient aucun regret. L'époque a peu changé. Et ce n'est pas avec un Nicolas Sarkozy qui veut maintenant nommer le PDG de la télévision publique que l'information sortira du temps des cavernes. Ses copains sont aux manettes des chaînes privées et ses amis marchands d'armes contrôlent les grands groupes de presse.
N'est-il pas symptomatique d'entendre chaque semaine les aboyeurs de l'actualité se muer en perroquets avec la même phrase "Comme l'a révélé notre confrère le Canard Enchaîné"…", non, le Canard ne "révèle" rien, il fait son travail, il fait de l'investigation, il fait du journalisme, lui. Le Canard est juste leur anti-confrère. Allez, un peu d'air !