Le vide-greniers d'Aix, paradis ou envers ?
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Le compte-rendu de La Provence
Pour changer un peu, allons faire un tour du côté du vide-greniers. Gros succès, nous dit-on, pour cet événement. Le paradis sur la chaussée, en quelque sorte. Or, voici qu'une lectrice, qui m'autorise à publier son récit, nous en fait découvrir l'enfer qu'elle a elle-même testé en tant qu'exposante.
Alors, vraie bonne affaire ou pas ? Compatissons.
; "Vide-greniers : j’ai vécu l’envers"
Si le vide-greniers réjouit les promeneurs aixois du dimanche et les touristes de passage, peu se doutent de ce qui se passe à l’envers de cette manifestation, du côté des exposants.
Séduite à l’idée de participer à une manifestation sympathique où je pourrais échanger des objets dont je n’ai plus l’usage contre quelques euros, bien utiles en cette période de vaches maigres, j’ai décidé de m’inscrire. Les inscriptions se faisaient le lundi 6 septembre, 19 rue Gaston de Saporta, rien par internet.
Ce lundi matin-là, heureusement, je ne travaille pas. J’arrive sur place vers 8h30, je me rends compte que la foule des volontaires pour le vide-greniers, massée devant la porte, attend déjà. Une longue queue de plusieurs heures sous le soleil s’ensuit, piégeant au passage des touristes croyant qu’il s’agit d’une queue pour entrer au musée car aucune mention explicative n’existe.
Enfin, après vérification par deux employées municipales débordées de mon justificatif de domicile, de mon identité, je suis inscrite - sans pouvoir choisir l’emplacement - et je verse 17 euros et 10 centimes, sésame indispensable pour participer au vide-greniers du 26 septembre situé entre le cours Sextius et l'avenue Pasteur.
La veille et l’avant-veille du vide-greniers, je consacre des heures à laver, repasser les vêtements, nettoyer les objets, prévoir tout l’équipement nécessaire pour tenir plus de 10 heures de stand. Je m’avise le samedi qu’il me faudra un fonds de caisse en monnaie, je fais plus de 6 commerces différents, achetant une bricole ici et là pour trouver de la monnaie qui semble une denrée rare et difficile à obtenir à Aix.
Le jour J, je me rends sur les lieux, avant le lever du jour, car il y a une autorisation de déchargement mais les véhicules doivent être dégagés avant 8h. L’emplacement qui m’a été attribué est en hauteur par rapport à la chaussée et séparé d'elle par une barrière, je dois donc me garer en face, en empiétant sur le trottoir pour laisser passer les autres véhicules qui viennent décharger.
Malheureusement, je n’ai pas vu dans la nuit que ce n’est pas un trottoir mais une bande de terre-plein étroite sur laquelle j’engage ma voiture. Mon véhicule se retrouve donc à califourchon sur cette bande de béton surélevée, les roues de chaque côté et le dessous du véhicule raclant le béton.
Je décharge mes paquets puis je dégage mon véhicule à grand-peine dans un crissement correspondant au frottement du dessous de la caisse sur le faux trottoir. Je peste imaginant les dégâts éventuels à ma voiture. Aucun gardiennage n’étant prévu, j’abandonne mes paquets sur mon emplacement, tandis que rôdent les professionnels de la brocante à l’affût de bonnes affaires. Je les ai vus fouiller à la lampe de poche dans les paquets que déchargent les particuliers. Inquiète qu’ils ne se servent dans mes paquets, je démarre et refais un tour de ville pour me garer.
Aucun espace de parking n’est prévu pour les exposants et nous sommes plusieurs centaines… Payer un parking pour tout le dimanche ? Cela me reviendra peut-être plus cher que ce que je vais gagner au vide-greniers. Je tourne sans succès sur le périphérique, puis j’avise, entre deux places déjà prises, rue de la Molle, un espace trop étroit pour ma voiture, mais accessible en mordant sur le trottoir. Après tout, c’est dimanche et c’est un jour spécial. Je me gare…. Et je cours vers mon emplacement.
Le jour s’est levé : on voit que le sol des emplacements est mal nettoyé, avec des traces d’urine et même pire ! On s’installe comme on peut, je suis pourvue de journaux et de draps propres. Pas une poubelle aux environs… J’arrange mon stand, une bonne heure de travail, mais un résultat bien net.
Déjà situés loin du début de la manifestation, nous découvrons avec les autres tenancières de stands que nous sommes en plein vent, à l’ombre derrière des bâtiments pour toute la matinée. Bref, nos places sont loin d’être les meilleures ; on se sent solidaires et on s’encourage d’un stand à l’autre. Du côté des exposants, beaucoup de femmes de la classe moyenne, comme moi, seules ou avec enfants, qui comptent sur l’événement pour tirer quelques euros des vêtements ou objets accumulés, souvent de marque et en bon état, mais encombrants par manque de place : l’espace est si cher dans les logements à Aix !
Les visiteurs arrivent. Il est clair qu’il est difficile de vendre quoi que ce soit à plus de 5 euros. Ma voisine bataille pour ne pas descendre au-dessous de cette somme pour une parka de marque, impeccable, achetée il y a quelques mois plus de 100 euros… mais les enfants grandissent si vite. Malgré tout le mal qu’elle s’est donné, courageuse et seule : trier, laver, repasser, ranger, porter, décharger, rester debout dans le vent froid, une journée entière, elle repartira avec un monceau de vêtements d’enfants invendus.
De mon côté, je vends une moitié de ma cargaison, à condition de brader, bien sûr. Je résiste juste pour un grand vase en cristal taillé que l’acheteur trouve cher à 20 euros.
Arrive l’irrépressible besoin de faire pipi. Aucunes toilettes ne sont prévues pour les exposants. Il faut donc abandonner son stand, toujours sans gardiennage et courir dans un des bistrots du cours Sextius, commander n’importe quoi pour pouvoir accéder aux toilettes. Les bistrots font leurs affaires, c’est bondé.
L’après-midi s’étire ; les familles se promènent, les touristes aussi. Le soleil éclaire enfin nos étals qui deviennent plus attractifs, et nous nous réchauffons enfin après 5 heures à se geler en tapant de la semelle.
Fin d’après-midi, l’ombre revient et la fraîcheur. Nous cédons tout ou presque à 1 euro. Puis nous replions. Aucune benne n’est prévue pour les objets que l’on souhaiterait jeter ou pour ceux qui pourraient être récupérés par un organisme caritatif… il faut donc tout remballer. Ma voisine me propose de surveiller mon stand pendant que j’irai chercher mon véhicule… J’y cours. Il n’est plus là. Volé ? Non, à la fourrière, je l’apprends en leur téléphonant…
Conclusion : soir de vide-greniers bien amer : je suis seule sur le trottoir, la nuit tombe plus que fraîche… Comment vais-je rentrer ? Aller jusqu’à la fourrière récupérer ma voiture ? Payer les 114 euros de fourrière et le PV de 35 euros qui l’accompagne ? J’apprendrai à la fourrière que pas moins de 35 véhicules ont été ramassés entre 8 et 9h du matin lors de ce dimanche festif. Belle prise, non ?
Certes ma municipalité peut s’enorgueillir par voie de presse du succès de cette belle manifestation où les exposants, issus de la classe moyenne touchée par la crise, ont assuré l’animation, au grand profit de la ville et des bistrotiers, non seulement gratuitement, mais en payant de leurs deniers et de leur personne.
M.C.
P.S. : Un détail me revient mais il est significatif de l'incurie municipale.
Une plaque d'égout située devant nos stands, sur le passage des visiteurs, est branlante. Plusieurs personnes s'embroncheront dessus, manquant de tomber. Nous le signalerons, il faudra attendre la fin de l'après-midi pour que trois employés se déplacent, non pour réparer la plaque et supprimer le problème mais pour déposer un balise de chantier dessus et une barrière métallique. Commode pour les passants !