"Identité" : La pêche en eaux vaseuses de Sarkozy
Dessin de Carali dans Siné Hebdo
Venant du président que l'on a et du ministre que l'on sait, le lancement trompetté du récurrent appât de l'"identité nationale" pour aller à la pêche aux voix dans des eaux vaseuses à troubler des élections régionales me révulse. Je me joins aux critiques qui pleuvent de la part de tous ceux qui, ayant aperçu le gros hameçon, s'en indignent aussi.
Car, comme on pouvait sans douter, il est vite apparu que le but de la manœuvre vise surtout à ramener dans les filets assez de votes extrémistes pour renflouer la barque de la droite présidentielle et tenter de lui éviter ainsi un naufrage dans les profondeurs.
Avoir une carte nationale d'identité n'est pas avoir une carte d'identité nationale.
Dans le premier cas, il s'agit d'un document juridique attestant une appartenance à un territoire historiquement formé et, en corollaire, géographiquement défini. C'est l'expression d'une vision objective et civique entrant dans une conception citoyenne à partager.
Dans le second cas, il est plutôt requis de discourir d'une tentative visant à réduire des caractéristiques et des ressentis identitaires à des stéréotypes figés. C'est le dogme d'une perception subjective et ethnique (façon tribale ?) débouchant sur une entité standardisée et statique. Tout oppose ces deux conceptions, l'une ouverte et hospitalière, l'autre murée et hostile.
Alors, hein, quel débat ? Et pour quoi faire ? Les évidences ne suffisent-elles pas ou plus ? La nation nommée France ne constitue-t-elle pas le déni le plus éloquent à toute entreprise de fossilisation, d'uniformisation et de claustration de la multitude et de la diversité des êtres ?
Face à cela, la logorrhée électoraliste gouvernementale et le titre aux amalgames infâmes du ministre qui la déverse exhalent la pestilence de la vilenie. Ces artifices répugnants sont à rejeter avec la plus grande énergie. Car, derrière cette duperie, l'objectif est bel et bien de convoquer des instincts de peur, d'attiser des pulsions de haine et de répandre des ferments de discorde, pour ne pas dire plus.
Et ça, ce n'est ni l'humanisme, ni la France, ni la République.
Sur le même sujet, voici l'édito de Jean-Laurent Bernard diffusé sur France Bleu Provence le 9 décembre 2009 qui me semble frappé au coin du bon sens.
Bonjour.
Le débat voulu par le président Sarkozy sur l'identité nationale s'apparente de plus en plus à un mélange de pétard mouillé et de boomerang. Officiellement destinée à pousser les électeurs vers une réflexion sur une question presque simple "qu'est-ce qu'être Français?", en pratique, cette opération prend des allures de basse besogne électoraliste. Non que le sujet soit interdit ou tabou, juste que les deux mots "identité" et "nationale" sont tout sauf anodins.
Dans une région qui flirte avec les extrêmes, avec une forte immigration, avec une pauvreté endémique, on ne lâche pas dans la nature des réflexions qui agitent quelques beaux esprits dans des salons où ne parviennent jamais les murmures de la rue et de la vraie vie.
Hier encore, un jeune Africain est venu mourir au fond d'un container entreposé dans une société de Marseille. Il avait sans doute tenté la traversée en clandestin pour approcher l'eldorado français. Qu'avait-il à faire de l'identité nationale ?
Se posent-ils la question de l'identité nationale celles et ceux qui sont officiellement accueillis à échéances régulières comme citoyens français ? Ils ont franchi tous les obstacles, les contrôles, sans jamais parvenir à faire comprendre aux plus farouches défenseurs de la chasse aux immigrés qu'ils sont fiers d'avoir désormais leur carte d'identité nationale.
Depuis, le gouvernement a rajouté des questions subsidiaires, comment mieux vivre ensemble, qu'est ce que l'unité nationale ? Las, le mal est fait. C'est le doute qui l'emporte. Avec obligation pour les étrangers de France, les fils et filles et d'étrangers d'avoir encore et toujours à se justifier.
En période de crise, alors que les communautarismes commencent à sérieusement inquiéter, ce vieil étendard de la peur devait encore être agité. Bien sûr, il ne faut surtout pas être béat devant une soi-disant intégration réussie et parfaite. Le chantier est immense. Il est inutile d'agiter nos craintes de l'autre. Elles sont là. Font partie de ce que nous sommes. Laissons faire ceux qui sont français tout simplement. Quelle que soit leur origine. Nous devons vivre ensemble. Inutile d'en faire une poudrière.
Bonne journée