Présidentielle 2012 : "Je suis prêt" ou "Aidez-moi" ?
Après tout, convenons-en, ces moments n'arrivent que tous les cinq ans (avant c'était sept). Alors, j'ai décidé de ne rien rater de la campagne électorale, même si ça frise un peu la surdose effrénée. Comme ce week-end par exemple où j'ai tenu à voir in extenso les meetings diffusés à la télé et sur internet.
On n'en doutera sûrement pas ici, je me suis déjà fait une petite et même une grande idée sur la candidature qui aura ma préférence. Mais, je veux continuer à observer ce que disent les autres concurrents. Samedi et dimanche, j'ai donc ingurgité quatre meetings et quatre longues heures d'images.
Précision : j'ai exclus le cas de la candidate qui ne recueillera jamais ma voix.
* Jean-Luc Mélenchon à Marseille (1h20) sur internet
Foule des grandes occasions sur la plage du Prado.
Jean-Luc Mélenchon est un authentique tribun, et sans conteste le meilleur de tous les candidats dans le genre. Phrasé et inflexions gaulliens. Paroles lyriques et formules choc. Energie débordante et maîtrise de l'événement.
* François Bayrou à Marseille (1h15) sur internet
Petites centaines de militants enfermés au Silo.
François Bayrou manie la langue française avec pureté. Phrasé lentissime voire quelque peu décourageant. Voix quasi monotone de bout en bout. Rares envolées tribuniciennes. Suscite parfois l'ennui malgré une certaine singularité des constats et des propositions.
* Nicolas Sarkozy à Paris (35mn) à la télé
De très gros milliers de participants à la Concorde.
Nicolas Sarkozy surjoue son discours. Phrasé oratoire clair et scandé mais citations trop savantes à contre-emploi de l'image du personnage. Paroles aggressives et ton systématiquement caricatural. Gestuelle permanente et convulsive semblant précéder une explosion.
* François Hollande à Paris (50mn) à la télé
De très gros milliers de participants à Vincennes.
François Hollande est un orateur de bonne tenue. Vocabulaire à valeur positive. Débit parfois précipité et phrasé inégal. Voix un peu cassée. Sens de la formule et humour assassin. Aggressivité très modérée. Inflexions et gestuelle mimétiques mitterrandiennes.
Hier, les télés n'ont retransmis que les deux meetings des candidats probables du second tour. La proximité de leurs diffusions favorisait la comparaison immédiate. Hollande devait s'exprimer à 15h30 et Sarkozy à 16h. Surprise, le second a avancé sa prise de parole à 15h30 pour s'imposer sur les écrans. En conséquence, le premier a retardé la sienne de 15 minutes et son passage sur les chaînes a été relayé en différé.
Selon moi, Hollande y aura gagné au change. Son discours centré sur l'espoir de créer l'événement au soir du 6 mai ("Je suis prêt") est venu en contre-point de celui du sortant donnant l'impression de jouer son va-tout dans un ultime appel au secours ("Aidez-moi !").
A-t-il conscience que sa fin est proche, lui dont la personnalité et la politique sont rejetées depuis son élection comme en attestent ses défaites à tous les scrutins intermédiaires ? Cela en a tout l'air mais il ne peut encore l'avouer en public et résiste en essayant de se persuader du contraire et de convaincre une foule qu'il ne faut pas démobiliser.
Sa prestation d'hier était-elle son avant-dernière montée sur scène avant celle de l'entre deux tours ? Les plus récents sondages à une semaine du premier tour, sans "les croisements de courbes" qu'il espérait provoquer par incantation, laissent penser que sa chute est scellée.
Hollande et Sarkozy n'ignorent pas que les indécis et les abstentionnistes peuvent fausser la donne. Ils ont donc fait appel à eux pour venir renforcer leurs scores respectifs et tenter de faire la différence. Au final, il est fort probable que, même si la participation est supérieure à ce que les instituts de sondage prévoient, chacun des deux finalistes en aura sa part au moins au premier tour. Et cela ne changera guère la photo d'arrivée qui paraît déjà être prête pour figurer dans les livres d'Histoire.
Pour finir, un petit mot sur Mélenchon et Bayrou.
Mélenchon a bel et bien réussi sa gageure de créer la surprise de cette campagne présidentielle. Mais, disons-le avec lucidité, le positionnement idéologique qu'il défend a peu de chances de pouvoir s'élargir majoritairement à tout l'électorat social-démocrate, sans parler des franges mobiles qui font généralement basculer une élection d'un camp à l'autre. En revanche, son influence sera décisive pour la victoire de la gauche au second tour et pour une représentation plus marquée de sa sensibilité aux législatives qui suivront.
Bayrou pensait certainement rejouer le scénario du troisième homme (voire mieux) de 2007, allant jusqu'à penser d'ailleurs que, comme ce fut le cas pour Mitterrand et pour Chirac, la troisième fois serait la bonne. Or, non seulement il ne parvient nullement à enclancher une dynamique forte mais il n'a pas vu venir le score inédit de Mélenchon et celui du niveau de Le Pen qui lui disputent la place. Enfin, comme il l'a encore ré-édité hier, il a prétendu pouvoir susciter et réunir une majorité centrale en puisant à gauche et à droite, en contradiction totale avec ses critiques systématiques et sans nuances contre la gauche et contre la droite.
Vivement dimanche pour en être fixés.
Des chiffres qui parlent ?
117.00 internautes, dont 15.400 connectés en simultané au plus fort, ont suivi le discours de Sarkozy à la Concorde, contre 167.800, dont 25.200 connectés en simultané, qui ont suivi celui de Hollande sur l’esplanade du château de Vincennes, indique l'hébergeur vidéo Dailymotion dans deux messages diffusés sur Twitter vers 17h.