Affaire Guérini : Quelques silences qui en disent long
En l'état de l'enquête, a-t-on vraiment tout dit sur l'affaire Guérini ? Pas sûr. Et il est même assez probable que la poursuite et l'approfondissement des investigations par le juge Charles Duchaine ne manqueront pas de dévoiler de nouveaux éléments.
C'est ce qui pousse nombre de personnes à la méfiance et à garder bouche cousue.
Par exemple, rares sont les élus qui livrent un avis sur le remue-ménage qui secoue la vie locale depuis plusieurs mois.
Rares aussi sont les adhérents ou militants des partis politiques, en particulier ceux du parti socialiste, qui osent briser le silence. Et pourtant, ils sont loin de ne pas savoir ou de n'en rien penser. J'en ai pour preuve quelques confidences personnelles que me font certains par confiance mais que je ne peux malheureusement pas citer ici.
Dans son édition de février, le Ravi a interrogé quelques élus ou membres locaux de partis politiques. On pourra en prendre connaissance dans l'article ci-après.
Par ailleurs, l'affaire a donné lieu à pas mal d'articles ou de dossiers dans divers journaux, magazines et sites internet. Le dernier en date est le billet de Daniel Schneidermann sur Arrêt sur images. Où l'éditorialiste fait mine de s'interroger sur ce qui peut bien motiver le fait que l'on parle peu d'un personnage haut, très haut placé. (Voir en fin d'article)
Enfin, c'est à découvrir dans sa parution d'aujourd'hui, l'hebdo Les InRockuptibles balance un article intitulé "Le juge qui fait peur à Marseille".
Un conflit juridico-politique intéressé
L'enquête visant le frère de Jean-Noël Guérini, président du Conseil général du "13" s'invite avec fracas dans la campagne des cantonales.
"J'invite les électeurs de gauche à voter NPA ou Front de gauche, bref pour tous les candidats non issus du système Guérini !" Bruno Gilles, secrétaire adjoint de l'UMP des Bouches-du-Rhône, à la manœuvre aux cantonales, sonne la charge. "Aller voter PS, c'est cautionner les affaires judiciaires en cours !", poursuit le sénateur-maire. La présomption d'innocence ? "J'y suis attaché mais il ne faut pas être des oies blanches. Il n'y a pas un seul domaine de compétence de Marseille Provence Métropole ou du Conseil général qui échappe aux soupçons." L'UMP 13 s'est choisi un slogan de campagne : "le choix de l'honnêteté". "Nous avons eu plus de facilité à le faire accepter par nos troupes que celles du PS à assumer un bandeau "avec Jean-Noël Guérini", martèle Bruno Gilles.
Alexandre Guérini est mis en en examen pour "abus de biens sociaux, détournement de fonds et de biens publics, recel, corruption active, trafic d'influence" sans être condamné. Jean-Noël, son frère, n'a pas été entendu par la justice. Le Conseil général qu'il préside est pour l'instant officiellement épargné. Mais les auditions de justice, qui s'étalent dans la presse, témoignent de l'interventionnisme d'A!exandre dans les institutions gérées par le PS. Et une question agite le landerneau politique et médiatique : y-a-t-il eu conflit d'intérêt entre les activités présumées frauduleuses d'Alexandre et son frère, Jean-Noël ? Bruno Gilles, toujours, sans pincettes : "Décharges, déchets, SDIS (sapeurs-pompiers), maisons de retraite, 13 Habitat (logement social), cela fait beaucoup d'endroits où Alexandre Guérini est présent. Je ne peux pas croire une seconde, si les accusations graves s'avèrent vraies, que ces faits aient pu avoir lieu sans que son propre frère soit au courant."
Cela cogne dur à gauche aussi ! "Chaque jour qui passe nous apporte de nouvelles révélations sur le système de détournement de fonds publics mis en place et les liens entretenus avec le milieu", dénonce un communiqué du NPA intitulé "rompre avec le système Guérini". "Nous ne disons pas que Jean-Noël est coupable de quoi que ce soit, mais le système clientéliste que nous dénonçons depuis des années est mis à jour", confirme Cédric Bottero, porte-parole du NPA. Trop c'est trop pour le PS ! "Le frère de Jean-Noël Guérini, c'est son frère, lui c'est lui. La justice passera, tranchera, condamnera ou disculpera. Mais instrumentaliser l'enquête en cours, c'est une politique de suspicion et d'amalgame", dénonce Jean-David Ciot.
Premier secrétaire délégué de la fédération socialiste, il contre-attaque : "En violant le droit à la présomption d'innocence sur le registre de la caricature et du "tous pourris", l'UMP ne joue pas en faveur de la démocratie. La droite refuse de débattre sur les grands enjeux et les compétences du département. En dégoûtant les gens d'aller voter, l'UMP impacte l'ensemble de la classe politique." Tout en se revendiquant "d'une autre classe", Pierre Dharréville, 1er secrétaire du PCF, condamne lui aussi l'exploitation des affaires.
"Je ne suis pas juge. Nos propositions sont politiques, comme celles en faveur de la transparence de l'attribution des marchés publics." Manque de chance pour les communistes, le seul élu mis en examen, à ce jour, par le juge Duchaine, est un des leurs, le président de l'Agglomération du Pays d'Aubagne. "Rien ne me permet de douter de l'honnêteté et de la probité d'Alain Belviso", tranche Pierre Dharréville.
"A trop jouer avec le feu, l'UMP risque de se brûler, estime Christophe Madrolle du Modem. Sa stratégie va bénéficier au vote contestataire, un peu à Europe Ecologie (EE) mais surtout au FN." Sébastien Barles, candidat EE dans un canton disputé, attend lui aussi que "la justice soit passée pour se déterminer". Mais plaide pour des mesures "afin d'éviter le clientélisme, comme la critérisation des aides publiques…" Tout en s'étonnant de la virulence de l'UMP : "Renaud Muselier, secrétaire départemental, est un spécialiste de l'évasion fiscale ! En termes de conflit d'intérês, son opération immobilière à île Maurice, alors qu'il était secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, c'est quelque chose ! Comment peut-il jouer ensuite les chevaliers blancs ?" Reste une certitude. Après le scrutin, le président du Conseil général sera toujours… Jean-Noël Guérini.
Michel Gairaud