Alexandre Guérini et ses amis avocats...
Hier, La Provence revenait sur le cas Alain Belviso. Et sur ses déclarations lors de sa démission de ses mandats électifs où il disait que l'on fouillait sur ses "activités personnelles et professionnelles".
L'allusion portait sur la double garde à vue il y a une semaine d'un fonctionnaire de la mairie d'Aubagne et d'un architecte qui intervenaient auprès de la société privée dirigée par Belviso.
Y aurait-il eu quelque mélange de genres entre affaires privées et affaires publiques ? Serait-ce la fumée d'un autre feu ? La justice veut savoir.
Avant-hier, toujours dans La Provence, était aussi posée la question du coût de l'affaire des marchés truqués. Au fait, oui, à combien s'élève la facture pour Marseille Provence Métropole ? "Cela aurait coûté au minimum 5 millions d'euros", avance le journal sur la base des éléments connus à ce jour. Mais comment est-ce possible ? Quoi, on aurait donc trafiqué ?
Mediapart raconte comment Alexandre Guérini aurait tenté d'imposer ses amis avocats pour contrôler quelques "bonnes" affaires. (d'autres détails encore plus fracassants demain)
Tout cela ne peut sentir que les bonnes œuvres, n'est-ce pas ? C'est sur le sens de cette générosité qu'ironise Le Canard enchaîné d'hier. (voir en bas d'article)
Des avocats placés par Alexandre Guérini ?
20 Février 2011 Par Louise Fessard
L'enquête sur les marchés publics des Bouches-du-Rhône montre que l'homme d'affaires Alexandre Guérini a sollicité à plusieurs reprises des avocats, censés conseiller des collectivités locales, pour défendre ses propres intérêts ou ceux d'amis.
Le rôle joué par deux avocats, l'un parisien, Régis de Castelnau, l'autre marseillais, Olivier Grimaldi, soulève en effet plusieurs questions. Tous deux, spécialisés dans le droit public, sont des proches d'Alexandre Guérini, mis en examen début décembre 2010 pour «abus de biens sociaux, détournement de biens publics, recel et blanchiment, corruption activeet détention de munitions», et placé en détention provisoire.
Olivier Grimaldi conseille, entre autres, la ville de Marseille, le syndicat des territoriaux FO, les groupes de supporters de l'OM et jusqu'à encore récemment la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM). Cette dernière a décidé, fin décembre 2010, de se passer de ses services, lorsqu'elle a découvert qu'il défendait également Alexandre Guérini, l'exploitant de plusieurs décharges et déchetteries du département.
Le 2 février 2011, Olivier Grimaldi a été entendu par les gendarmes, sous le régime de la garde à vue (en compagnie du président PS de MPM, Eugène Caselli, de Franck Dumontel, ancien directeur de cabinet d'Eugène Caselli, démis de ses fonctions en décembre, et d'Éric Pascal, patron d'une société de traitement de déchets, déjà mis en examen dans un autre volet de ce dossier).
Dans un courrier adressé au juge d'instruction Charles Duchaine le 17 février 2010, Olivier Grimaldi se présente comme le conseil de la SMA Vautubière, une des sociétés d'Alexandre Guérini. Il réclame la restitution d'une Mercedes appartenant à la société et de documents comptables saisis en novembre 2009 dans le cadre de l'enquête par les gendarmes. La proximité entre Olivier Grimaldi et l'homme d'affaires est un peu gênante puisque, par ailleurs, l'avocat conseillait activement MPM sur les questions de tri et de collecte des déchets.
Interrogé par les gendarmes fin novembre 2010, l'ancien directeur de la propreté de MPM, Michel Karabadjakian, avait même évoqué «un possible conflit d'intérêts». Il explique qu'Alexandre Guérini aurait sollicité Olivier Grimaldi «au moins à quatre reprises» pour rédiger des analyses juridiques facturées à MPM. Trois de ces interventions, selon la description faite par Michel Karabadjakian aux enquêteurs, semblaient viser à écarter des entreprises des marchés de déchets de la communauté urbaine au profit de la société de collecte Bronzo, une filiale du groupe Veolia.
À deux reprises, en juin et en octobre 2009, le président de MPM, Eugène Caselli, déclare sans suite des décisions de la commission d'appel d'offres attribuant des marchés à des concurrents de Bronzo. À chaque fois en s'appuyant sur des notes juridiques fournies par Olivier Grimaldi.
Aucune des sociétés d'Alexandre Guérini n'a jamais cherché à travailler pour MPM. Mais sur l'un des marchés qui furent annulés, la société Bronzo était associée à Queyras Environnement, une entreprise gérée par Eric Pascal, un proche d'Alexandre Guérini et un ancien salarié de Bronzo. «Eric Pascal s'était engagé à verser le volume de ce qui ne pouvait être valorisé, c'est-à-dire 20% environ du volume global, sur les décharges d'Alexandre», a expliqué Michel Karabadjakian aux enquêteurs.
Par ailleurs, Alexandre Guérini était associé avec le frère d'Eric Pascal, Gilles, au sein de la SMA Propreté, une société créée par les deux hommes en 2007 pour s'occuper de déchetteries.
Y a-t-il effectivement eu conflit d'intérêts entre les activités de conseil d'Olivier Grimaldi à Alexandre Guérini et celles de conseil à MPM ? Est-ce la raison pour laquelle il a été mis en garde à vue par les gendarmes le 2 février ? Contacté, Olivier Grimaldi n'a pas souhaité répondre à ces questions. «J'aspire juste à retrouver de la sérénité», a-t-il répété. «Pour l'instant, je ne constate nulle part des violations aux règles de la profession», répond quant à lui le bâtonnier de Marseille, Jérôme Gavaudan, qui juge «choquante» l'interpellation «au petit matin d'un avocat, qui a pignon sur rue, alors que les avocats n'ont pas l'habitude de se soustraire aux réquisitions du parquet ou du juge».
On retrouve Olivier Grimaldi dans les écoutes révélées lundi par Le Parisien. Fin juillet 2009, Alexandre Guérini, qui dirige la SMA Vautubière, société chargée par l'Agglopole Provence (dix-sept communes dont Salon-de-Provence et Berre-l'Etang) d'exploiter la décharge de la Fare-des-Oliviers, tente de négocier une baisse de la redevance qu'il verse à l'Agglo (une partie de la décharge reçoit des déchets privés).
L'entrepreneur aimerait placer son «ami», Régis de Castelnau, par ailleurs avocat du Conseil général et de MPM, comme conseil de la partie adverse, l'Agglopole Provence. «J'ai envie de leur faire prendre de Castelnau», dit-il le 7 août 2009 à son avocat Olivier Grimaldi. «Et on négocie avec notre ami de Castelnau, tu as compris le schmilblick», insiste-t-il.
Plus avant dans la conversation, il explique : «Je vais les mettre en difficulté et je veux une négociation, et la négociation, elle doit être forcée politiquement et on doit choisir notre (avocat), et ils doivent choisir leur avocat, et leur avocat ça doit être de Castelnau. Il faut qu'on leur mette la pression dessus à ces enculés.» À plusieurs reprises, Olivier Grimaldi semble approuver la stratégie.
Ce même 7 août, Alexandre Guérini appelle ensuite Régis de Castelnau. «Comme je leur conseille de se rapprocher de leur conseil, heu qui pourra également se rapprocher de moi et peut-être que la négociation des deux avocats, hormis le fait que derrière tu vas imprimer une pression politique pour que l'accord se fasse, tu vois...», le briefe-t-il. «Parce qu'à ce moment, de Castelnau négocierait pour l'Agglopole, et toi, tu négocierais avec Grimaldi pour SMA», résume-t-il. «Ben, ce serait l'idéal ça», répond Régis de Castelnau.
Et Alexandre Guérini de préciser : «Hein voilà, de toutes façons, j'espère que tu seras payé par la communauté d'Agglo et s'ils te payent pas ces enculés, je te payerai moi.»
Régis de Castelnau a-t-il réellement accepté de devenir le conseil de l'Agglopole tout en défendant les intérêts de la partie adverse, la SMA Vautubière d'Alexandre Guérini ? Il ne nous a pas répondu.
D'après Michel Tonon, le président PS de l'Agglopole Provence interrogé mardi par l'AFP, le plan d'Alexandre Guérini aurait échoué. «Le montant de la redevance n'a pas été baissé et, non, je n'ai eu aucune intervention politique en ce sens. Il a payé tout ce qu'il devait», dit l'élu. Michel Tonon dément également avoir eu recours à Régis de Castelnau. «On a hésité à le prendre car il avait été notre avocat dans le passé mais compte tenu du contexte, on ne l'a pas fait et on en a pris un autre», a-t-il affirmé.
Là aussi, le bâtonnier Jérôme Gavaudan répond qu'il «ne constate pas, à ce stade, de manquements graves aux principes de la profession» et qu'il «faut laisser l'enquête suivre son cours». De son côté, MPM se contente de confirmer que «Me Grimaldi et Me de Castelnau ne se sont pas vu confier de dossiers par la communauté urbaine depuis fin 2010».
Dans cet étrange mélange des genres, les avocats qui défendent aujourd'hui Alexandre Guérini ne sont autres qu'Emmanuel Molina, associé d'Olivier Grimaldi, et Florence Rault, l'unique associée de Régis de Castelnau. «Quand on commence à s'attaquer à qui est l'avocat de qui et pourquoi, c'est inquiétant pour la démocratie : il faut plutôt faire confiance aux avocats que penser qu'ils peuvent participer aux violations des règles», réplique Jérôme Gavaudan.