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le Blog de Lucien-Alex@ndre CASTRONOVO
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  • Prof d'anglais retraité Sous-officier Armée de l'Air Président assos culture, éducation, social 1978-1989 Correspondant presse locale 1989-1995 Conseiller municipal liste Yves Kleniec 1983-1989 Adjoint liste Jean-François Picheral 1995-2001 Parti radical de gauche 1998-2008 Conseiller municipal liste Michel Pezet 2001-2009 Conseiller municipal liste Edouard Baldo 2014-2020 lucalexcas@aol.com
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24 février 2007

Peine de mort : La déclaration de Robert Badinter

Livre_BadinterBadinterLivre_Abolition_Badinter

Ce fut le moment le plus intense du Congrès du Parlement réuni à Versailles lundi 19 février 2007. Voici l'intégralité du discours prononcé par Robert Badinter. Nul ne pouvait mieux que lui incarner la voix universelle de la France. C'est clair, c'est magistral, c'est humaniste. En cadeau après le texte, l'original de la loi signée par François Mitterrand le 9 octobre 1981.

"Voici un quart de siècle que la peine de mort était abolie en France ; voici vingt ans que l'abolition devenait en fait irréversible, avec la ratification par la France du sixième protocole annexe à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui interdit aux États signataires de recourir à la peine de mort.

Aujourd'hui, nous voici conviés par le Président Chirac, abolitionniste de longue date, à inscrire dans la Constitution un nouvel article 66-1 : "Nul ne peut être condamné à mort." Cette constitutionnalisation apparaît comme l'aboutissement du long combat mené en France par tant de hautes consciences, de Voltaire à Hugo et Camus, de Condorcet à Schoelcher et Jaurès, et je tiens, en cet instant, à rappeler devant le Congrès le souvenir du Président Mitterrand, car c'est à son courage et à sa volonté politique que nous devons l'abolition de la peine de mort en France, en 1981. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

Cette révision aura des conséquences juridiques. Elle permettra à la France de ratifier le deuxième protocole au Pacte sur les droits civils et politiques des Nations unies, qui conforte l'abolition dans les États signataires. Nous souhaitons que soit ratifié à cette occasion le treizième protocole à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui a la même finalité.

Mais cette révision revêt surtout une portée symbolique et morale considérable. En l'inscrivant dans le titre VIII de la Constitution, consacré à l'autorité judiciaire, la République française proclame qu'il ne saurait plus jamais y avoir en France de justice qui tue.

Cette révision s'inscrit enfin dans les progrès constants de la cause de l'abolition en Europe et dans le monde. En 1981, nous étions le trente-cinquième État dans le monde à abolir la peine de mort. Vingt-cinq ans plus tard, sur près de 200 États membres de l'ONU, 129 sont abolitionnistes. C’est dire que l’abolition est devenue majoritaire au sein des États du monde.

En Europe, notre continent, ravagée pendant tant de siècles par la pire des criminalités – l’on pense en particulier à la première moitié du XXe siècle –, la peine de mort a disparu, sauf en Biélorussie, le dernier des États staliniens. Mais quel progrès réalisé par la civilisation européenne !

La Cour européenne des droits de l'homme, qui dit le droit en matière de libertés pour l’ensemble du continent, a condamné en 2003 la peine de mort comme "une sanction inacceptable, voire inhumaine, qui n'est plus autorisée par la Convention européenne des droits de l'homme". La Cour a marqué ainsi, solennellement, que l'abolition se fonde sur le premier des droits de l'homme, le droit au respect absolu de sa vie, qu'aucun État démocratique ne saurait violer.

Dans l'ordre international, les conventions et les déclarations se sont succédé – je n’en donnerai pas la liste ; je citerai simplement, car il est riche de sens, le traité de Rome de 1998 créant la Cour pénale internationale, dont on sait qu’elle a pour mission de lutter contre l’impunité des pires criminels qui soient et dont les statuts ont exclu le recours à la peine de mort.

Ainsi, l'Humanité va de l'avant, même si certains États, notamment la Chine, l'Iran, l’Arabie saoudite, mais aussi les États-Unis, grande république amie, voient, hélas, se succéder encore trop souvent condamnations et exécutions. C'est pourquoi la France se doit d'être partout présente, quand il s'agit de combattre la peine de mort.

En ce moment même, nous devons nous mobiliser pour que les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien condamnés à mort en Libye (Applaudissements sur tous les bancs), au mépris de toute justice, soient sauvés par notre action.

Il nous faut de même soutenir l’action entreprise par la présidence allemande de l'Union européenne et le Parlement européen, qui viennent de demander, dans une résolution récente, la "mise en place sans conditions d'un moratoire universel sur les exécutions capitales". Ce moratoire doit inspirer la trêve olympique sur la peine de mort – trêve olympique qui remonte au grand temps de la Grèce antique – que nous réclamons à l'occasion des Jeux olympiques de Pékin, en 2008.

Mais il ne suffit pas d’un moratoire sur les exécutions ; encore devons-nous obtenir un moratoire sur les condamnations elles-mêmes. Car nous refusons que s'accroisse plus longtemps la masse des milliers de condamnés à mort dans le monde – parmi lesquels il y a, nous le savons, des innocents –, qui peuplent les quartiers de la mort pendant des années, voire des décennies, dans l'attente angoissée de l'aube prochaine, qui sera peut-être la dernière.

Tant que, dans ce monde, on pendra, on décapitera, on empoisonnera, on lapidera, on suppliciera, toutes celles et ceux qui considèrent le droit à la vie comme un absolu moral, tous ceux-là ne doivent pas connaître de répit !

Je veux, en cet instant, dire au Congrès ma conviction absolue : la peine de mort est vouée à disparaître de ce monde comme la torture, parce qu'elle est une honte pour l'humanité. Jamais, nulle part, elle n'a fait reculer la criminalité sanglante ; pire encore, elle transforme le terroriste en martyr ou en héros aux yeux de ses partisans.

La peine de mort ne défend pas la société des femmes et des hommes libres, elle la déshonore ! Aussi refuserons-nous toujours et partout que, sous couleur de justice, la mort soit la loi. Pendant la guerre civile d’Espagne, à Tolède, les fascistes espagnols criaient "Viva la muerte !", "Vive la mort !" Qu’avons-nous à voir, nous, enfants de la liberté, avec ce blasphème sanglant ? Que vive la vie !

C'est cela le sens du combat pour l'abolition de la peine de mort. Nous accomplissons en cet instant le vœu formulé par Victor Hugo en 1848 : l’abolition pure, simple, irréversible ; j'ajouterai, pour la France, "universelle". (De très nombreux parlementaires se lèvent et applaudissent longuement.)

original_abolition

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