La clinique du Montaiguet soigne aussi les claques
Le sujet est emblématique. Il mérite donc qu'on s'y penche encore sans faiblir. La semaine dernière, le conseil municipal a voté à la majorité la révision partielle (partiale ?) de POS pour autoriser l'installation de la polyclinique Rambot au lieudit Les Bornes, à Pont de l'Arc.
Pas de surprise, l'adjoint à l'urbanisme a présenté un dossier conforme au discours attendu : c'est un bon projet, tout a été prévu, les Aixois seront heureux, ne vous inquiétez pas. Bref, tout va bien, on frise l'idyllique. Quoi ? Vraiment ? Rien à redire sur l'orientation des conclusions du commissaire enquêteur ?
Filtrage des contributions critiques, minoration ou escamotage des insuffisances du projet, risques juridiques liés au contexte et à la faisabilité du transfert, non, rien de tout cela n'a embarrassé la municipalité pour valider une délocalisation qui est très loin d'avoir résolu tous les problèmes en termes d'urbanisme, de circulation, d'environnement et de garanties financières pour le portage de l'opération et on en passe. Toutes choses qui devraient inévitablement faire l'objet de contestations devant les tribunaux.
Au conseil, la mise en scène avait été préparée.
Dans la salle des Etats de Provence, la claque s'était invitée pour soutenir le vote. Très majoritairement, médecins et personnels des deux établissements médicaux qui ont fusionné avaient investi précocément l'espace réservé au public et même le couloir d'entrée, empêchant de facto opposants et visiteurs intéressés par le sujet d'accéder à la salle. La Provence l'a relaté d'ailleurs dans un billet d'humeur. Tout comme l'ont confirmé quelques personnes dévoilant en aparté qu'elles avaient été pressenties pour venir faire nombre et applaudir au choix municipal.
On avait déjà vu cela lors des réunions tenues en début d'année à la mairie annexe de Pont de l'Arc après l'enquête publique. J'en ai été le témoin direct. On ne sait trop comment qualifier de telles pratiques. En tout cas, c'est peu digne d'un débat démocratique qui favorise toutes formes de pression, voire d'intimidation.
Point de vue
La présidente de l'Association des Amis du Montaiguet m'a fait parvenir ce texte où elle exprime son point de vue, mêlant humour et propos sérieux.
C'est bien volontiers que je le publie pour vous en faire profiter.
"Médecin, mes deux seins !"
Du temps où mon grand-père était le pilier du comité des fêtes d’Aix-en-Provence, on voyait courir au Carnaval des "Grosses Têtes" qui illustraient des calembours. C’est ainsi qu’on vit dans les rues une femme de carton-pâte, soutenant à deux mains sa poitrine avantageuse, qui courait derrière un Docteur, de carton-pâte lui aussi. La foule était invitée à deviner le cri de la femme de carton : "Médecin, mes deux seins !"
Du séduisant Georges Clooney au Docteur House, en passant par des milliers de romans-photos, la figure du Docteur n’en finit pas d’exercer sa fascination érotique. Dans l’imaginaire collectif, le Docteur excite le désir… et il répond aussi à nos angoisses. D’autant que ce magicien du corps trouve une place laissée vide par les médecins de l’âme que furent les prêtres. Voilà donc pourquoi on écoute les médecins plus que d’autres simples citoyens avec un a priori favorable. Et une part d’aveuglement bien compréhensible : nous sommes tous mortels, que ne ferions-nous pas pour favoriser l’acte médical qui pourrait nous sauver ?…
Alors, lorsqu'on nous fait imaginer, dans le dépliant publicitaire de la clinique Rambot, qu’elle renaîtra un jour sous forme d’une clinique paradisiaque peuplée de gens heureux batifolant au milieu de champs de coquelicots… on en oublierait presque qu’il s’agit d’images virtuelles sur papier glacé.
Lorsque ce sont des médecins qui affirment que l’implantation au pied du Montaiguet dans le dernier poumon vert situé au Sud est la seule solution… on en oublierait presque qu’il s’agit d’une opération financière.
Lorsqu’on nous dit que la clinique Rambot actuelle est "vétuste" et trop à l’étroit pour ses ambitions… on oublierait volontiers que les médecins qui l’ont gérée en sont responsables.
Lorsqu’on nous dit qu’une installation sur des zones non encore constructibles est urgente… on en oublierait presque que quelques médecins acquéreurs des terrains concernés ont créé cette urgence en vendant leurs murs.
Eh oui, la révision de POS aux Bornes votée mardi dernier sous les acclamations de quelques docteurs et du personnel de la clinique en service commandé est un chèque en blanc à quelques hommes en blanc ! "Médecin, mes deux seins !" s’est écriée la Ville d’Aix ; est-elle prête à tout pour leur complaire ?
Martine Coste
(pour ceux qui l’ont connu, mon grand-père s’appelait Séraphin Coste)