Hier, à Montpellier, les lourdes réquisitions en appel à l'encontre de Maryse Joissains étaient identiques aux condamnations prononcées l'an dernier : 1 an de prison avec sursis et 10 ans d'inéligibilité. C'est donc peine perdue pour elle qui pariait sur sa relaxe. Récit comme si on y était...
Condamnée le 18 juillet 2018 en première instance à un an de prison avec sursis et dix ans d'inéligibilité pour "détournement de fonds publics” et “prise illégale d’intérêts", Maryse Joissains avait fait appel. En arrivant hier au tribunal correctionnel de Montpellier, elle a déclaré "je suis sereine" avec l'idée d'obtenir la relaxe. Défense de rire. La cour d'appel a confirmé intégralement les mêmes peines.
L'avocat général a dénoncé d'entrée les propos de la maire d'Aix lorsqu'elle avait évoqué un règlement de comptes politiques. Non madame, lui a-t-il rétorqué, "la justice ne règle pas des comptes, elle demande des comptes". Dur à encaisser !
Puis, pendant près de trois heures, Maryse Joissains a été confrontée aux questions précises du président de la cour. Accrochée au micro, elle l'a souvent fait imprécisément, ce qui a obligé le magistrat à reposer ses questions pour obtenir des réponses complètes. Comment une ex-avocate peut-elle ignorer à ce point que la justice se garde des explications digressives ou floues même défendues avec vigueur ?
L'avocat général à lancé dans son réquisitoire : "Cette affaire est une illustration du comportement de nombreux élus qui sont de plus en plus dénoncés, à l’image de MM. Fillon ou Cahuzac", et réclame la confirmation de la peine prononcée il y a huit mois. Piquée au vif, Maryse Joissains l’a immédiatement interrompu. "Je ne peux pas laisser associer mon nom à ceux de voyous de la République. (...) Me comparer à Cahuzac, mais enfin vous avez perdu la tête ?" "Vous avez parlé de vertu, mais vous n’êtes pas vertueux", a-t-elle encore protesté, en direction de l’avocat général, et après les plaidoiries de ses avocats : "Vous n’avez pas le droit de rire, de vous gondoler durant vos réquisitions !" Ben, il n'allait pas quand même pleurer l'avocat général !
Les faits reprochés
Pour mémoire, les faits reprochés ne sont pas légers : la promotion jugée indue de son chauffeur et l’embauche à la Communauté du Pays d'Aix d’une collaboratrice chargée de la protection animale alors que ce domaine ne relevait pas du tout des compétences de cette collectivité.
Pour l’avocat général, le chauffeur est au cœur du "clientélisme, cette politique de petits services" de Maryse Joissains. Sa promotion était "irrégulière", a-t-il précisé car il a été distingué alors qu’il figurait à la 43e place sur une liste dressée par l’ordre de mérite. Cette promotion avait été définitivement annulée par le Conseil d’Etat qui avait estimé que l’élue avait "commis une erreur manifeste d’appréciation de la valeur et de l’expérience professionnelle" de l’intéressé.
Quant à l’emploi de la collaboratrice, il était "injustifié", a poursuivi l’avocat général : "Il faisait double emploi avec les compétences municipales. Cet emploi est donc en partie fictif et n’a pas de consistance".
"J'ai très bien géré ma ville". Euh...
Tout au long de l’audience, Maryse Joissains, au cours d’échanges parfois vifs avec le président de la cour, avait pourtant vanté sa gestion : "Je suis la vingtième ville de France, j’ai très très bien géré ma ville", a-t-elle assuré."Et je suis persuadée d’être dans le cadre de la loi pour les deux cas qui me sont reprochés." "Ma gestion est louée dans la France entière !" Sauf que sa gestion est plutôt connue dans tout le pays pour les chroniques judiciaires du système Joissains depuis quarante ans.
Comme elle l'avait fait en première instance, Maryse Joissains a défendu bec et ongles son "pouvoir souverain" de nommer des collaborateurs de cabinet, l’avocat général y voyant, lui, une "conception autocratique" du pouvoir. "On est dans un dossier de rumeurs, de règlement de comptes locaux. C’est un opposant politique qui est à l’origine du dossier, il faut le rappeler", a plaidé l'un de ses avocats : "Je vous demande de regarder froidement ce dossier. Je vous demande de ne pas entendre les élucubrations de l’avocat général sur un clientélisme. Je vous demande de regarder chacun des deux délits, deux petits points, et non le tombereau de dénonciations anonymes".
Alerté en 2012 par une lettre anonyme, le parquet d’Aix-en-Provence avait ouvert une enquête et, "pour la bonne administration de la justice", le procès avait été dépaysé à Montpellier.
L’arrêt a été mis en délibéré au 28 mai.
Rappelons aussi quelques faits. Maryse Joissains a succédé en 2001 à la mairie à Alain Joissains, maire de 1978 à 1983 et condamné en 1986 en appel pour recel d’abus de biens sociaux.
Qu'en dit Sophie Joissains ?
Interrogée hier matin par France Bleu Provence, elle a estimé que la maire d'Aix jugée dans l'après-midi pour favoritisme et prise illégale d'intérêt devant la cour d'appel de Montpellier n'avait "commis aucun délit". "Il n'y a aucun enrichissement personnel ni emploi fictif reprochés", a insisté l'élue à propos de sa mère condamnée en première instance à un an de prison avec sursis et dix ans d'inéligibilité.
Selon elle, "l'instruction a été menée dans un contexte politique, à charge, bâclée et avec un procès inéquitable". Alors qu'en première instance, le procureur avait estimé "parfaitement constitués" les délits de détournement de fonds publics et de prise illégale d'intérêts, "d'une gravité extrême car ils sont le contraire de la probité attendue d'un élu", Sophie Joissains a répondu qu'il s'agissait de "littérature". "Son chauffeur n'était pas simplement son chauffeur", a-t-elle dit en dénonçant "beaucoup d'amalgames". "C'était un collaborateur de cabinet qui était quand même catégorie B depuis plus de cinq ans et qui correspondait aux conditions légales".
En cas de confirmation de la peine, Sophie Joissains, qui espère la relaxe de sa mère, a évoqué la possibilité d'un recours "mais on n'espère ne pas en arriver là".
Mon commentaire
Sophie Joissains avait usé d'arguments tout aussi fallacieux pour défendre son père Alain Joissains alors même que, par l'arrêt du Conseil d'Etat du 2 février 2015 et après dix années de procédures (à mes frais), j'allais obtenir l'annulation de son contrat illégal de collaborateur de cabinet de Maryse Joissains.
(Sources consultées pour la rédaction de mon article : agences et sites médias)
Le verdict du 28 mai prochain devrait ressembler au premier jugement du 18 juillet 2018
(Ci-dessous le document intégral)
(Pour un meilleur confort de lecture, clic sur le carré de flèches en bas à droite du document)
"Chroniques judiciaires du système Joissains de 1978 à 2018" :
http://castronovo.canalblog.com/archives/2019/03/08/37147996.html