Guérini sacrifié par des socialistes mais pas par Aubry
Une chose est certaine. Même avec moins d'élus socialistes, dimanche soir, le conseil général des Bouches-du-Rhône conservera sa majorité de gauche. En revanche, et malgré les apparences, en coulisses, ça discute pas mal sur la prochaine présidence. Jean-Noël Guérini a annoncé vouloir se porter candidat.
Les élus actuels et ceux qui attendent de l'être dans trois jours ne s'avancent pas trop sur cette question. Sans doute pour ne pas brouiller les esprits avant le second tour. Néanmoins, quelques personnalités se confient pour laisser entendre, voire déclarer ouvertement, que Guérini serait plus avisé de passer la main. Ce dernier a beau dénier l'impact des affaires sur les résultats des élections, personne n'est dupe. Et certains le disent.
Comment ne pas observer que deux élus ont perdu leur siège avec des scores très en-deçà de leur potentiel alors même que la gauche progresse partout ailleurs. Cela s'est souvent opéré au profit des écologistes et du Front de gauche qui n'en espéraient pas tant. Il y a donc bien eu report sur des candidats de gauche. Mais vraisemblablement aussi vers d'autres horizons, par exaspération.
Patrick Mennucci estime que le climat politico-judiciare ambiant autour du PS a influencé le scrutin. Marie-Arlette Carlotti rapporte que pendant la campagne elle a plus entendu parler de morale et d'éthique que de politique.
Michel Pezet, en attente de sa réélection, a été clair : "C'est quand même vrai que ce que nous vivons depuis quelques mois sur les affaires n'était pas fait pour arranger le climat général. Jean-Noël Guérini a tort de sous-estimer ce phénomène qui est réel ; soit les gens sont restés chez eux, soit ils sont venus en se disant : ils commencent à nous fatiguer". "Il y a des choses qu'il faudra remettre à plat, qu'il faut aborder de façon objective si l'on veut préparer les prochaines échéances, dont la présidentielle, les législatives et les municipales", prévient-il, même si la priorité de la semaine est de "travailler pour essayer de résister à cette vague frontiste". Plus direct, on ne peut pas.
Il y a aussi Philippe San Marco, ex-PS, qui déclare que, "face à une telle déroute, l'homme fort du département, responsable de cet échec, doit démissionner et une autre gouvernance doit se mettre en place".
Quant à Jean Viard, vice-président de la communauté urbaine, il n'y est pas allé par quatre chemins. Dans La Provence, il estime qu'il serait "surréaliste que Jean-Noël Guérini se représente à la présidence du conseil général". Et dans une interview accordée à Marsactu, il enfonce le pieu : "Qu'il renonce à la présidence simplifierait le vote républicain".
Face à ces prises de position, restent les déclarations plutôt surprenantes de Martine Aubry faites hier sur RTL.
Extraits de l'interview de Martine Aubry par Jean-Michel Aphatie
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Martine Aubry soutient implicitement la candidature
de Jean-Noël Guérini à la présidence du conseil général des B.d.R
23 mars 2011 Par Olivier Schmitt
Marseille, prise dans la nasse de "l’affaire Guérini", s’est réveillée lundi matin avec la gueule de bois. Le Parti socialiste a perdu en sept ans, depuis le premier tour des cantonales de 2004, la moitié de son électorat, soit quelque 20.000 voix. Leur premier refuge a été l’abstention puis le vote vert (le porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, Sébastien Barles, a obtenu 18,65% dans son canton) et le vote Front de gauche (8%). Certains électeurs ont choisi encore le Front national qui sera présent, au deuxième tour, dans les onze cantons de la ville. Un bilan qui dit assez la nécessité pour le Parti socialiste de s’amender dans ce département.
Le président du conseil général, Jean-Noël Guérini, dont le frère Alexandre, figure du socialisme marseillais et chef d’entreprises de collecte et de transformation des déchets, est écroué depuis le 1er décembre 2010 pour des chefs d’inculpation extrêmement graves –"abus de biens sociaux, détournement de biens publics, recel, corruption active, blanchiment en bande organisée et détention de munitions"– est décidé à se représenter à la tête du département. N’ayant pas été entendu par le juge Charles Duchaine dans l’instruction sur les affaires de son frère, il s’estime diffamé par ses détracteurs de droite et de gauche. Il a même porté plainte contre Arnaud Montebourg, secrétaire national à la rénovation du PS et auteur d’un rapport remis récemment à la direction du PS dans lequel il demandait la "mise sous tutelle" de la fédération socialiste locale.
La seule concession de Jean-Noël Guérini à la suite de ce rapport est l’annonce, non datée, de son retrait du poste de "président" de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, une fonction incompatible avec l’exécutif départemental selon les statuts du PS.
La direction du Parti socialiste ne s’est que très peu exprimé sur cette affaire jusqu’à aujourd’hui. Martine Aubry avait estimé qu’il n’y avait "pas de faits" précis dans le rapport Montebourg. La publication dans la presse de nombreuses pièces de l’instruction mettant en lumière les relations des deux frères comme nos informations publiées dans Le Monde du 18 mars pointant les nombreux dysfonctionnements de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône n’ont pas infléchi la position de la première secrétaire.
Voilà plusieurs jours que Le Monde a sollicité la direction nationale du Parti socialiste pour commenter la décision de Jean-Noël Guérini. Silence radio. François Lamy, conseiller politique de Martine Aubry, a refusé de nous répondre. Mais ce matin (mercredi), sur RTL, la première secrétaire est sortie de son silence et a choisi de soutenir implicitement M. Guérini. "Moi, je crois d’abord à la présomption d’innocence et je ne suis pas un chevalier blanc. La République, c’est des faits, ce sont des institutions pour les régler. Tant que ces institutions ne se sont pas exprimées, je n’ai personnellement rien à dire. Voilà.", a-t-elle déclaré. Elle ne s’oppose donc pas, en clair, à la candidature de M. Guérini.
Certes, la justice n’a à ce jour rien à lui reprocher. En revanche, les socialistes marseillais supportent de plus en plus mal le régime autocratique et clientéliste qu’il a mis en place à Marseille. Rappelons par exemple que 31 salariés du conseil général ont des responsabilités importantes à la fédération et dans de nombreuses sections. Rappelons encore que lors du scrutin organisé pour le congrès de Reims en novembre 2008, de très nombreuses irrégularités ont été constatées dans les bureaux de vote sans qu’aucune sanction ne s’en suive. Depuis dimanche, Michel Pezet, en ballotage, ou Jean Viard, sociologue qui fut proche de Jean-Noël Guérini, ont demandé explicitement que Jean-Noël Guérini renonce à se représenter. Les écologistes et le Front de gauche ont fait de même.
Martine Aubry a donc choisi de ne pas les entendre. Elle n’a pas même demandé à Jean-Noël Guérini de démissionner de ses fonctions de "premier" fédéral pour se mettre en conformité avec les statuts. Elle n’a pas non plus donné son avis sur les dysfonctionnements avérés de la fédération, attendant les conclusions d’une commission d’enquête interne qui doit rendre ses conclusions en juin. Elle n’a rien dit non plus de l’élimination dans deux cantons du centre de Marseille, très importants dans la perspective des municipales de 2014, de deux proches de Jean-Noël Guérini, Antoine Rouzaud (PRG) et Jocelyn Zeitoun (PS).
"Alors, vous savez, partout où il y a des “affaires”, il est extrêmement normal, je dirais, que le Front national augmente », a-t-elle ajouté sur RTL. On ne saurait mieux dire.
Dans le Canard enchaîné du 23 mars 2011
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