Des primes plus légales grâce aux corrections
Le Tribunal administratif de Marseille vient de me notifier sa décision au sujet de la refonte du régime indemnitaire des agents titulaires et stagiaires de la Ville d'Aix-en-Provence, dont je contestais la légalité de certaines mesures.
Rejetant mes ultimes demandes complémentaires d'amélioration du régime, il a cependant validé toutes mes analyses, observations et remarques initiales, formulées aussi bien lors des séances du Conseil municipal que par courrier au Sous-Préfet.
Le régime indemnitaire est donc largement corrigé suite à mes multiples interventions portant sur les aspects litigieux ou illégaux de la première délibération présentée par le Maire le 19 juillet 2004.
Je suis heureux de constater que le T.A. a rejeté toute condamnation de paiement de frais à mes dépens, une façon de reconnaître les avancées déterminantes que j'ai pu faire introduire dans le dispositif.
A mes yeux, il n'en reste pas moins que ce régime n'est pas encore tout à fait équitable et respectueux des agents. Et il sera du devoir de la prochaine municipalité de revoir les points pouvant encore être source d'arbitraires multiples et que nombre de personnels subissent à l'heure actuelle.
Comment cela a commencé
Le 19 juillet 2004, le Maire faisait voter, avec sa seule majorité, une délibération portant sur la refonte du régime indemnitaire des agents titulaires et stagiaires de la Ville. J'avais essayé d'attirer son attention sur la nature même du document en contestant les aspects litigieux ou illégaux du dispositif, à la fois du point de vue statutaire et sur les confusions et les contradictions qu'il entretenait à plusieurs égards.
Face au refus du Maire d'en tenir compte, j'avais donc décidé de saisir les autorités compétentes pour faire toute la clarté. En date du 20 juillet, je demandais au Sous-Préfet de faire annuler la décision.
En première réponse, le 6 août, il accusait réception précisant qu'il faisait "procéder à l'examen attentif de la légalité de cet acte." Puis, le 17 septembre, un autre courrier préfectoral me confirmait qu'il avait adressé "une lettre d'observations au Maire".
A la même date, je déposais une requête en annulation de la délibération auprès du Tribunal administratif de Marseille.
Ce que dit la loi
Le régime indemnitaire (part variable des salaires sous forme de primes, s'ajoutant à la part fixe) des fonctionnaires territoriaux est fondé sur une loi de 1984.
Un décret d'application de 1991 prévoit que sa mise en place doit faire l'objet d'une délibération qui détermine plusieurs éléments : les bénéficiaires du régime, la liste des primes instituées dans la collectivité, le taux ou le taux moyen retenu pour chaque prime dans la limite des maxima prévus (les primes de l'Etat servant de référence), les conditions d'attribution des primes, à savoir la périodicité des versements et les critères de variation des attributions individuelles.
Des dispositions contestables
Le sujet est fort complexe. Et même si une mise à plat des conditions antérieures appliquées à Aix était nécessaire, il fallait scrupuleusement tenir compte des nouvelles dispositions, dans le cadre strict de la loi.
Je rappelle ici les points principaux que j'avais contestés :
Ÿ Une indemnité dite de "grade et de fonction" est instaurée. En plus, la Ville crée des "groupes de fonctions" (une sorte de classement), ce qui est de nature à introduire une confusion car il confie à l'autorité le soin de fixer par arrêté individuel le montant par agent, sans critères précis définis ou proposés au conseil municipal.
Ÿ La délibération met en place un système qui conduit à faire exercer des fonctions par des agents dont le grade n'est manifestement pas prévu à cet effet dans son statut particulier. C'est en quelque sorte un mélange des grades et des fonctions à exercer, allant jusqu'à laisser au Maire la possibilité de nommer "un agent à un poste non ouvert à son grade" et même à l'autoriser à majorer sans limite l'indemnité de grade et de fonction selon les besoins de recrutements de la collectivité. A mes yeux, de telles mesures entraîneraient une rupture avec le principe d'égalité entre les agents.
Ÿ Les emplois "fonctionnels" (emplois de direction générale) n'ont plus de référence clairement affichée quant aux variations de leur situation indemnitaire ; le plafond est connu mais pas le plancher.
Ÿ Pour les titulaires sur des postes de direction, des indemnités peuvent être calculées sous forme de "fourchette", mais les taux ne répondent pas à une logique claire.
Ÿ Il est introduit la possibilité de réduire ou de supprimer une prime "au vu de la manière de servir de l'agent ou de sanctions disciplinaires devenues définitives". La manière de servir n'est déterminée par aucun élément objectif, comme la notation par exemple. Dans le cas où il s'agirait d'une conséquence de la sanction disciplinaire, la durée de la mesure n'est même pas précisée.
Ÿ La délibération propose de prendre en compte tous les agents de la Ville mais elle exclut les agents en longue maladie. Tout comme il paraît inconséquent d'annoncer, par exemple, une future délibération pour la mise en place de l'indemnité pour la Police municipale. Enfin, il est prévu aussi de mettre en place une "prime de mobilisation", mais, elle aussi, par une délibération ultérieure.
C'est par ces motifs et pour les risques induits par certaines mesures non statutaires ou revêtant un caractère subjectif que j'avais fait appel à la loi.
Un écran de fumée
Après une autre délibération présentée le 4 octobre 2004 et s'ajoutant à celle du 19 juillet 2004, le dossier sur le régime indemnitaire des agents municipaux revenait devant le Conseil municipal le 31 janvier 2005. Et pour cause.
Alors que le Maire avait refusé d'entendre mes mises en garde sur certaines mesures illégales, m'assurant que tout était clair et transparent, le Sous-Préfet lui faisait obligation de se conformer à la loi.
La délibération du 31 janvier modifiait la quasi-totalité des points que j'avais soulevés. Elle prenait donc en compte les importants et nombreux motifs qui m'avaient conduit à refuser de voter les précédentes délibérations. Les employés municipaux auront donc un statut mieux protégé et, cette fois-ci, en phase avec la loi.
Cependant, j'avais estimé que le nouveau projet, sorte de fourre-tout, n'annulait pas complètement le précédent qui continuait de produire ses effets dans certains de ses aspects illégaux.
A mes yeux, cela pouvait créer une nouvelle source de trouble et provoquer une instabilité juridique sur la rémunération des agents municipaux et leur situation indemnitaire. Pas d'état des lieux, pas de calculs des nouveaux droits reconnus aux personnels, pas de mention de l’avis du Comité Technique Paritaire, qui est une formalité nécessaire, mais allusion à une étrange Commission consultative au niveau de la Direction générale, pas de coût annoncé en année pleine de l'ensemble du dispositif.
C'est ce qui avait motivé ma démarche de dépôt d'un complément de requête au Tribunal administratif.
Après l'audience, le verdict
Le 28 juin 2007, le Tribunal administratif de Marseille a examiné l'ensemble de mes requêtes visant à faire annuler les délibérations sur le régime indemnitaire des personnels municipaux. Il a fallu trois ans pour que l'audience soit enfin inscrite à l'ordre du jour, la Ville ayant pris son temps en ne répondant jamais dans les délais imposés par le greffe !
A l'audience, la Commissaire du gouvernement a limité ses conclusions aux modifications déjà apportées en cours de route et n'a pas mentionné la décision du Président du T.A. de recourir pourtant à un moyen relevé d'office, "la rétroactivité illégale" d'une des délibérations.
La décision finale du 12 juillet 2007 a donc entériné le fait que mes observations initiales avaient permis de corriger la délibération du 19 juillet 2004 de manière conséquente. S'appuyant sur cet argument central, le T.A. a estimé que mes ultimes demandes étaient de moindre portée et devaient être rejetées. C'est la décision qu'il m'a notifiée.
Ma conclusion
Quand on voit combien la délibération initiale était dangereuse pour les employés, j'estime que les valeurs d'équité et de respect des statuts de la Fonction publique ont pu, principalement, être sauvées, par exemple, au regard de :
Ÿ l'arbitraire en matière de majoration sans limite de l’indemnité de grade et de fonction qui était laissée au maire : ceci supposant que, à enveloppe financière contrainte, il s’agissait, pour donner beaucoup à certains, de ne donner quasiment rien à beaucoup,
Ÿ l'absence de critère permettant au maire d’arrêter le taux de l’indemnité attribuée à chaque agent,
Ÿ la possibilité laissée au maire de nommer un agent sur un poste de responsabilité a priori non ouvert à son grade (!) dans le tableau définissant le régime indemnitaire par grade et groupe de fonction,
Ÿ l'exclusion du régime indemnitaire pour les agents en longue maladie, qui ont donc retrouvé leurs droits,
Ÿ la mise en place d'une "double peine" par exclusion du régime indemnitaire pour les agents ayant eu une sanction disciplinaire déjà "purgée".
A l'issue de cette longue procédure, outre les effets bénéfiques qu'en retireront les employés de la Ville, ce qui était le but recherché, je voudrais simplement exprimer ici deux sentiments personnels, celui du devoir accompli et celui d'avoir exercé pleinement, en conscience et avec les moyens de droit, ce pour quoi les électeurs m'ont mandaté : mon travail d'élu de la République.