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Petit retour sur le Festival d'Aix-en-Provence
avec un entretien publié hier par la chaîne internationale France 24.
A Aix, le ténor Charles Castronovo
arbitre un duel de sopranos dans "La Traviata"
Le Festival d’Aix a créé l’événement en programmant Natalie Dessay dans "La Traviata" de Verdi. La cantatrice alterne les soirées avec une doublure, Irina Lungu. Témoin de ce duel de sopranos : le ténor Charles Castronovo.
A 36 ans, le chanteur américain, qui a grandi à New York et a été formé à Los Angeles, fait partie des ténors les plus demandés à l’international (Covent Garden à Londres, Staatsoper de Vienne, Opéra de Paris, etc.) pour des rôles importants - Nemorino dans "L’Elixir d’amour" de Donizetti, Rodolfo dans "La Bohême" de Puccini, Don Ottavia dans "Don Giovanni" de Mozart, Faust dans l’opéra de Gounod…
Apprécié pour son physique de jeune premier et sa voix claire, Charles Castronovo a tout l’air des ténors malléables qui chantent sans faire de caprices. Du beurre pour les metteurs en scène. Interview.
FRANCE 24 - Comment passez-vous d’une Violetta à l’autre ?
Charles Castronovo - J’ai des rapports différents avec chacune… ne serait-ce qu’à cause de leur physique ! Natalie est beaucoup plus petite qu’Irina. Il y a un moment de l’opéra où je peux me placer juste derrière Natalie, ma tête au-dessus de la sienne, et voir le public. Avec Irina, je ne peux pas faire cela.
Chaque chanteuse est très différente, dans sa façon de bouger sur scène, les moments où elle respire, ses émotions… Je mets un point d’honneur à m’adapter, à rester ouvert.
Émotionnellement, l’alchimie est différente. Natalie est tellement impliquée dans son personnage que j’ai l’impression que je ne dois m’inquiéter de rien. Son savoir-faire porte l’opéra.
Irina aussi est expérimentée. Mais j’ai l’impression que le face-à-face est moins musclé, qu’on ne va pas aussi loin qu’avec Natalie.
F24 - Qu’est-ce que vous retenez de leur jeu ?
C. C. - Natalie est totalement concentrée. Et je me connais, parfois j’intellectualise trop. Certains ne pensent à rien sur scène, moi je pense trop ! Et je me corrige : pourquoi penser à ce petit détail, alors que je devrais plutôt me concentrer sur le personnage ! Et je sens que Natalie a cette immense capacité de concentration que j’aimerais avoir.
De son côté, Irina reste calme et relaxe, c’est sa grande qualité. Violetta est un rôle très difficile. J’observe son visage, et je vois que dans les passages délicats, elle prend beaucoup de recul, elle garde la tête froide. J’essaie de m’en inspirer quand, moi aussi, j’ai des airs difficiles à chanter.
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F24 - Ce sont des caractères totalement opposés !
C. C. - Oui, et c’est cela qui est génial.
F24 - Comment trouver sa place, en tant que ténor, au milieu de deux Violetta qui vous volent la vedette ?
C. C. - Entre ténors, c’est une de nos blagues de dire : "Ah oui (soupir), je chante encore Alfredo !" C’est un rôle où vous devez travailler dur et les gens réagissent en disant : "Mouais, c’est pas mal." C’est un rôle un peu ingrat.
Mais Alfredo est un personnage très intéressant, qui part d’une situation où il est jeune et naïf, passionnément amoureux, puis accède au bonheur. Il a ensuite le cœur brisé et nourrit une jalousie qui le mène à la folie. Il finit plein de remords en assistant à la mort de Violetta. C’est tout un éventail de sentiments, et c’est assez satisfaisant à jouer. Il n’y a pas l’aria que tout le monde va siffloter en quittant le théâtre, ce n’est pas aussi gratifiant que le rôle de Nemorino dans "L’Elixir d’amour"… Mais j’aime bien chanter Alfredo malgré tout.
F24 - Ici, dans cette production à Aix, comment s’est fait le travail de mise en scène ?
C. C. - Les meilleurs professionnels ne sont pas ceux qui vous font des grands discours sur l’art. Ce sont ceux qui vous parlent de choses concrètes, de petites astuces. Jean-François Sivadier m’a dit : "Plus tu regardes le public, plus c’est facile pour lui de comprendre tes émotions". Souvent, dans les moments dramatiques et tristes, j’aurais tendance à baisser la tête, à me replier sur moi-même. En fait, ce réflexe est égoïste : le chanteur ressent son émotion, mais le public ne le voit pas.
J’ai l’impression que cette mise en scène est très française, dans le sens où elle mise sur l’émotion, les vraies émotions, plutôt que sur des effets spéciaux. Et j’aime cela ! Si la mise en scène est axée sur l’émotion et sur la relation entre les trois personnages [Violetta, Alfredo et Giorgio, le père d’Alfredo], tout passe ! Il n’y a pas besoin de plus de chaises ou de chandeliers.
Et puis Natalie est une telle bête de scène, déploie un tel jeu théâtral, que la chimie s’opère très facilement. Quand je la regarde jouer, elle est totalement dans son personnage, et du coup, je le suis aussi. La barre est fixée très haut.
Et un compte-rendu en anglais de La Traviata... http://www.francetoday.com/articles/2011/07/07/live_from_aix-en-provence.html