Amara dérape aussi : "Vous, c'est leader ou dealer ?"
Fadela Amara a quelques mauvaises fréquentations. Son langage en atteste. Il y a quinze jours, accueillie à Aix par des habitants du quartier Beisson, au premier interlocuteur qui lui a courtoisement tendu la main, elle a répondu, faisant mine de plaisanter : "Ah ! Vous, c'est leader ou dealer ?" Drôle d'entrée en matière pour engager la conversation.
Cela rappelle de pitoyables paroles récentes : Brice Hortefeux prétextant parler des "Auvergnats", ce qui lui a valu d'être condamné mais de rester ministre ; Eric Besson voulant "fabriquer de bons Français", ce qui va bien à un homme ayant rejoint l'ennemi ; Christian Estrosi éructant "Français ou voyou, il faut choisir !", ce qui reviendrait à faire de la délinquance une nationalité.
Pas de doute, à force de côtoyer pareils personnages et leur si grossier chef, Fadela Amara emboîte à son tour le pas de la surenchère verbale. Et, qu'elle le veuille ou non, elle ne peut en aucun cas se faire passer pour une victime. Cette place, elle l'a sciemment acceptée.
Malgré cette apostrophe indigne qui aurait mérité un "et vous, c'est dupe et showbiz ?", l'interlocuteur de la secrétaire d'Etat est resté calme et respectueux, lui octroyant poliment des "Madame la ministre". Et a voulu exposer les problèmes que rencontre le quartier. Fadela Amara, qui prétend aller "sur le terrain" pour écouter les gens, a tôt fait de s'extraire d'un véritable échange.
Si elle savait qu'elle était à Aix, en revanche, elle ignorait le nom même du quartier où elle avait mis les pieds, l'un des deux seuls quartiers ANRU (programme de rénovation urbaine), dossier dont elle est censée avoir la charge.
Dans le reportage Complément d'enquête diffusé lundi par France2, Fadela Amara a déclaré : "A Matignon, autour de Fillon, vous avez des conseillers qui sont à l'Ouest, complètement à l'Ouest. Ils ne comprennent pas du tout la politique de la Ville. Cela ne leur parle pas. Ils ne savent pas ce qu'est le malaise de la banlieue, la souffrance sociale. C'est des mecs qui ont fait l'ENA, des types qui ne souffrent pas le quinze du mois." On dirait presque des critiques à la Martin Hirsch quand il balance sur la droite pour revenir à gauche.
Faut tourner la langue dans sa bouche avant de parler : Fadela Amara elle-même est venue au Nord de la ville d'Aix et ne sait pas où elle est. Et puis quelqu'un qui a vu une soixantaine de collaborateurs la quitter et qui s'est permis de loger des membres de sa famille dans son logement de fonction devrait en plus la boucler un peu.
Mais non, l'employée de Nicolas Sarkozy, le président qui confond banlieues et Fouquet's, a parlé, parlé et encore parlé. Fallait brasser de l'air avec mille déclarations déjà entendues partout. Aucun dossier aixois dans les mains, aucune réunion sérieuse de travail, aucune décision officielle annoncée. Et une visite, a-t-on appris, dont le programme a été préparé quasi unilatéralement par Sophie Joissains en personne.
On croyait jusqu'ici qu'un membre du gouvernement gérait son propre agenda et décidait de ses déplacements en fonction du suivi de ses actions. Ben, faut croire que non. La visite a vite tourné au face à farce, sans contenu, sans pertinence. Cela s'appelle un plan de communication. Quid des besoins des habitants, de l'état des lieux, de l'avancement ou du retard du projet ?
Certaines personnes présentes ont bien tenté de poser des questions. "Cela fait huit ans qu'on attend. On ne voit toujours rien venir." Et quand on rappelle à Fadela Amara que le plan banlieues date de l'époque où Jean-Louis Borloo était ministre de la ville, elle répond : "Moi, ça ne fait que trois ans". Ce qui n'est pas faux mais qui va réjouir "mon pote", comme elle le qualifie, qui s'est aussi tourné les pouces.
"Vous savez, c'est compliqué, c'est toujours long parce qu'il faut aller chercher les entreprises qui gagnent les marchés…" et bla bla bla. Faut dire que "le plan Marshall des banlieues" a tourné boudin avec un budget taillé à la hache. C'est le cas pour Aix où il a fallu présenter une nouvelle mouture à la baisse et dont la réalisation est pour l'instant annoncée pour 2014, une date toute en coïncidence. D'ailleurs, Fadela Amara était déjà venue à Aix en pleine campagne de l'élection municipale de juillet 2009.
Petite anecdote en passant : elle avait raté son train de départ pour se rendre à Nice. Il y a dix jours, elle est arrivée en retard pour cause de mouvement de grève des contrôleurs aériens. Elle a promis de revenir… si elle reste au gouvernement. Dans cette hypothèse, la période avant les élections présidentielle et législatives pourrait n'être là aussi qu'un pur hasard.
D'ici là, elle aura peut-être eu le temps d'apprendre et de se souvenir que Sophie Joissains n'est pas députée, comme elle s'est exclamée à la fin de la visite en la remerciant pour son dévouement, mais sénatrice. Il est vrai que lorsqu'on confond leader et dealer, on n'est plus à une crétinerie près, n'est-ce pas ? Pathétique.
Voir l'excellent reportage vidéo sur le site TV Anonymal :
(le passage "leader ou dealer" se situe à 3'50" du début, faire glisser le curseur)
http://www.anonymal.org/index.php?option=com_video&func=details&did=475&cid=9
Mon précédent article : "Fadela Amara à Aix : 99% com', 99% farce" :
http://castronovo.canalblog.com/archives/2010/09/21/19118976.html
Pour tous les détails sur le plan ANRU,
voir la rubrique "Corsy / Beisson", colonne à droite du blog.