Expo Picasso : La combine qui a mis la puce à l'oseille
Que les détails qui suivent risquent de choquer ou d'en énerver quelques-uns n'est pas la chose la moins sûre qui soit. De quoi s'agit-il ? Faisons un petit retour sur l'exposition Picasso Cézanne de l'été. Loin de moi l'idée qu'elle n'aura pas réjoui des dizaines de milliers de visiteurs. Non, il n'est pas question de cela.
Pourtant, ce qui est donné à voir, comme on dit, c'est un peu comme pour de bons plats. On ignore assez souvent ce qui s'est passé dans les cuisines. La dernière révélation sur la recette a été servie mercredi par Le Canard enchaîné. Mais déjà en mai dernier, Le Monde et Libération faisaient une présentation nuancée de la mise sur pied de l'expo.
Dans Le Monde…
Le journal écrivait ceci : "Dans l'exposition "Picasso et les maîtres", qui a triomphé cet hiver au Grand Palais, à Paris, Paul Cézanne était presque absent. Etrange, si l'on songe à l'importance que Cézanne a pour Picasso entre 1906 et 1909, et aux allusions au solitaire d'Aix-en-Provence qui apparaissent de temps en temps dans l'oeuvre du génie espagnol. Ce n'était pas un oubli, mais l'effet d'une répartition géographique : il était entendu que les rapports entre les deux artistes seraient traités, non pas à Paris, mais dans une exposition qui a lieu tout l'été à Aix-en-Provence, ville natale de Cézanne."
L'article note que la confrontation entre Picasso et Cézanne, en manque de grands tableaux notamment cézanniens, ne permet que "des parallèles parfois forcés" entre les œuvres des deux maîtres.
Et de conclure : "Il est vrai que la grande raison d'être de l'exposition en aurait été affaiblie : la raison touristique et économique. En 2006, le Musée Granet et la ville d'Aix-en-Provence avaient réussi une belle opération de récupération avec Cézanne, en lui consacrant une exposition qui avait attiré les foules. De son vivant, il avait été moqué et insulté par ses concitoyens. Désormais, il est devenu pour leurs descendants un argument commercial : 60 millions d'euros de recettes pour la ville et sa région grâce à lui en 2006, a rappelé la maire d'Aix-en-Provence, Maryse Joissains Masini, lors de son discours d'inauguration. Son espoir avoué ? Que Picasso rapporte autant cette année. De ce point de vue, l'imprécision de l'exposition et la genèse du cubisme sont questions négligeables."
Dans Libération…
Tonalité un peu plus grinçante pour Libé : "Les deux Méridionaux se ressemblaient aussi par la volonté de briser les cadres classiques, le tempérament rebelle, la virilité conquérante. Malheureusement, le musée d’Aix ne trouve pas la rencontre. Les collections ne se séparent pas facilement de ces chefs-d’œuvre. Il y a de très beaux tableaux, mais le croisement ne se fait que par bribes dans un accrochage dont l’inesthétique le dispute à l’incohérence. En cours de route, Cézanne est purement et simplement abandonné. Terminer l’exposition sur la corrida, sous prétexte qu’Aix est une étape vers les arènes, c’est une blague. Son coût, en coproduction avec la Réunion des musées nationaux, est de 9 millions d’euros, hors assurance. La collectivité en a investi dix millions pour impulser alentours une soixantaine de projets satellites. Aix est devenu Cézanneland."
Le Canard enchaîné en dit plus…
Et puis arrive Le Canard de ce mercredi qui y va aussi de sa révélation tonitruante sur l'accord conclu entre le groupe Hersant Médias et la municipalité aixoise. Après avoir exposé les difficultés financières des quotidiens locaux du Sud-Est, Le Canard raconte que le groupe a pris des contacts avec des municipalités UMP : Nice, Toulon et Marseille.
Le journal ironise sur un accord de partenariat, une alliance, entre le site Internet de la Ville de Marseille et celui du journal La Provence. "Il prévoit rien moins qu'une signalétique commune et le partage de certaines informations" renvoyant les lecteurs et les internautes d'un site à l'autre, une stratégie censée "doper la fréquentation du site du journal et, du même coup, ses rentrées publicitaires".
L'été dernier, le groupe s'enhardit et démarche plusieurs mairies UMP des Bouches-du-Rhône. C'est d'ailleurs ce que résume le titre de l'article "Le groupe Hersant lance la presse de proximité politique". Et Aix, alors ? Nous y sommes. Le système ne consiste pas à proposer à la municipalité d'acheter des milliers de journaux pour les distribuer gratuitement mais à établir une "proposition de partenariat" avec "ses axes mutualistes de communication". Et précisément, l'expo Picasso Cézanne tombait à pic pour inaugurer cette judicieuse "combine". Coût pour la Ville : 80.000€. Les éléments de l'affaire sont à découvrir dans cet extrait de l'article.
(Clic sur l'image pour agrandir)
L'article du Monde (25 mai 2009) :
L'article de Libération (30 mai 2009) :
http://www.liberation.fr/culture/0101570365-aix-s-emmele-les-pinceaux