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le Blog de Lucien-Alex@ndre CASTRONOVO
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22 septembre 2009

La triche érigée en système sans morale

gif_carton_rougeJe le disais hier, la vie publique va à vau-l'eau. Je comparais la sphère politique et le monde sportif. Dans son édition d'hier, le journal Le Monde a publié une interview intéressante sur la tricherie érigée en système. Il a demandé à Nigel Warburton, philosophe britannique et collaborateur régulier d'émissions sportives sur la BBC, pourquoi la triche est partie intégrante de toute activité sportive, établissant même un parallèle avec la vie politique.

Cela me rappelle furieusement quelques personnages aixois pris la main dans le sac, des partis politiques qui tripatouillent les urnes et, fin du fin de l'actualité, le tragi-comique procès en correctionnelle qui s'est ouvert ce lundi. La grandiloquence complètement théâtralisée de Villepin faisait penser à Nixon qui affirmait n'avoir pas espionné le parti démocrate avant d'être contraint de figurer dans l'Histoire comme le seul président américain obligé de démissionner. Comme dirait l'ami Benoît Petit : soupirs !

Extraits significatifs de l'interview…

Pourquoi les sportifs trichent-ils ? 

Le Monde : Pensez-vous que la triche fasse inévitablement partie intégrante du sport professionnel de haut niveau ?

Nigel Warburton : Non, pas d'une façon inévitable, même si la majorité des sports professionnels et amateurs en comportent, que ce soit en Formule 1, au football ou au rugby. Il existe différents niveaux de triche. Au football, un joueur peut être tenté de faire un tacle en sachant qu'il a 50% de chances de provoquer une faute. C'est une prise de risque qui est à la limite de la légalité, mais qui fait partie du jeu. Dans les sports de contact, en général, il y a un niveau de tricherie qui fait presque partie du jeu.

C'est différent quand l'acte tenté sort de la sphère sportive.

C'est le cas du "Bloodgate", une affaire récente impliquant l'équipe de rugby des Harlequins, à Londres. Son entraîneur a mis en scène la blessure d'un joueur à l'aide d'une capsule de faux sang, afin de favoriser son équipe. Ce fut un énorme scandale. Parce que même si les Harlequins n'ont pas gagné le match, c'était un geste si forcé et prémédité, qui impliquait un tel niveau d'organisation au sein de l'équipe, que c'était plus grave que la simple triche consistant à tromper un arbitre.

Une préméditation que l'on retrouve dans l'affaire Renault...

Tout à fait. Sans connaître tous les détails de l'affaire, on devine aisément que cela a demandé une organisation complexe et la collaboration de nombreuses personnes. Tout cela afin de trouver le meilleur moment pour avoir cet accident. Et c'est sans compter sur la dangerosité d'une telle stratégie.

Vous avez écrit que les exemples de triche sont plus nombreux aujourd'hui...

Je ne sais pas si c'est un phénomène quantitatif ou une coïncidence. Peut-être avons-nous tout simplement développé des moyens plus modernes pour détecter les tricheurs. L'affaire du "Bloodgate", par exemple, a été révélée par une caméra de télévision. On a clairement vu le joueur sortir du terrain et faire un clin d'œil à son préparateur. Tout le monde a perçu quelque chose de louche.

C'est grâce à ces techniques de surveillance plus sophistiquées que l'on découvre plus d'incidents. Face à elles, les athlètes ont effectivement plus de chances de se faire attraper. Il faut noter que ce phénomène ne concerne pas exclusivement le sport de haut niveau. La triche dans la sphère amateure a bien moins de chance d'être relayée parce que cela intéresse moins de gens, mais elle existe aussi.

D'un point de vue philosophique, qu'est-ce qui motive les tricheurs ? La peur de la défaite, l'envie de réussir, la nécessité de rester au sommet ?

Dans Le Prince, Machiavel considère que, dans des conditions extrêmes, un dirigeant ne doit pas agir de façon morale, car cela mettrait en péril l'Etat. […] Il faut aussi considérer que dans le sport, les règles sont subjectives et sujettes à interprétation. On essaie de pousser au maximum pour savoir jusqu'où on peut aller. Mais pour ce qui est de la motivation, je pense que cela dépend de l'occasion ou même du sport. Cela peut être l'argent, la gloire, l'envie de vaincre, le manque de recul ou tout simplement l'absence de morale chez l'athlète. […]

N'est-ce pas alors un paradoxe que les athlètes de haut niveau soient contruits pour être des modèles ?

Oui, et en ce sens ils ressemblent beaucoup aux hommes politiques. Ils peuvent très bien être des exemples à suivre dans leurs disciplines respectives, mais le processus qui les fait arriver au sommet de cette discipline implique une attitude intransigeante. Et ce sont quelquefois les individus pas vraiment moralement irréprochables qui atteignent ce sommet.

Le sprinter Ben Johnson est un exemple révélateur. Il a travaillé pour devenir l'homme le plus rapide du monde. Et on ne peut pas nier que c'était un exploit, qu'il ait été dopé ou pas. En l'occurrence, il était dopé. Mais pour qu'il arrive à un niveau où des produits ont fait de lui l'homme le plus rapide du monde, il fallait déjà qu'il soit un athlète extraordinaire. Pourtant aujourd'hui, personne ne se souvient de lui comme un bon athlète, juste comme un homme qui a triché. […]

Vous avez dit que "les tricheurs s'en sortent souvent" et qu'ils "ont changé l'histoire du sport, et continueront à la faire". Vous le pensez toujours ?

Je pense avoir écrit cela avant la Coupe du monde 2006 et l'expulsion de Zinedine Zidane, qui a, en elle-même, changé pas mal de choses. Mais effectivement, je crois que les tricheurs s'en sortent souvent dans le monde sportif. Paradoxalement, la triche apporte un intérêt supplémentaire au sport. Je ne dis pas que c'est une bonne chose, mais je pense qu'il existe chez le public un véritable intérêt pour démasquer les tricheurs, savoir comment ils ont pu tromper tout le monde. Tout simplement parce que l'immoralité est souvent plus intéressante que la moralité, le "méchant" est plus intéressant que le "héros". Il y a également cette idée persistante de la chute d'une idole, de découvrir que ces athlètes ne sont pas vraiment ceux que l'on croit. 

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Commentaires
C
@ loti<br /> Tapez Nigel Warburton sur google, il y a pas mal de références. Peut-être trouverez-vous quelque chose en français.<br /> Bonne chance. Cordialement.
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L
Suite à cette lecture intéressante, j'aurais voulu savoir s'il existait un ouvrage de Nigel Warburton sur la tricherie traduit en Français ?<br /> En vous remerciant par avance de votre réponse.<br /> cordialement.
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B
En te lisant, Lucien-Alexandre, mes soupirs s'évanouissent et laissent place au réconfort :)
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