Faux électeurs : Les Tiberi, c'est du Shakespeare !
Il y en a qui portent leur culot en bandoulière. Et que le poids de la honte n'étouffe pas. Au procès des faux électeurs de Paris, ça balance fort. C'est enfin la confrontation générale. Les prévenus se vautrent dans l'indignité. Xavière Tiberi tient des propos abjects à donner la nausée. Le meurtre n'est pas loin. Shakespeare, reviens ! T'as encore un bon sujet de pièce à écrire. En attendant, voici l'article de Libération du 25 février qui nous rapporte l'épisode sanglant de mardi au tribunal.
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Dessin de Cabu dans Le Canard enchaîné du 25 février 2009
Les époux Tiberi à l’heure de la confrontation
A la barre
Le maire du 5e a été mis à mal hier par les témoignages de subalternes sur la fraude électorale. "Jean Tiberi, c’est le cerveau, forcément : c’est le patron", a lâché Anne-Marie Affret, première adjointe au maire, hier, au procès des faux électeurs du 5e arrondissement. Avant de se raviser un peu. Puis beaucoup. Et de repartir à la charge. "Pour moi, ce n’est pas facile monsieur le président, se plaint-elle. Tous les ordres me venaient de mon maire, enfin ! C’est un rôle que me donnait Jean Tiberi. Tout ce que je faisais à la mairie du 5e, c’était M. Tiberi qui me le demandait." Toute petite, habillée en tailleur, elle s’exprime en ouvrant de grands yeux expressifs. Elle soupire tout en souriant.
La semaine dernière, elle a reconnu la falsification. Lundi, elle s’est débattue encore. "Vous avez fait un petit pas, madame Affret, lui a fait remarquer le président, Jean-Paul Albert. Mais il va falloir en faire un autre." "Je ne peux pas tout faire monsieur le président", s’est-elle plainte.
Micro
Pour forcer un peu plus la parole, et "mettre cartes sur table", Jean-Paul Albert a choisi la stratégie de la confrontation générale. "Madame Affret, on a l’impression qu’à vos côtés, il n’y a personne. Il y a un vide", a-t-il lancé à l’adjointe au maire, en jetant un coup d’œil du côté des prévenus où elle s’est assise, à deux places de Jean Tiberi et de son épouse, Xavière. L’élue est tiraillée. Et très sollicitée. "Je voudrais que M. Tiberi ne se penche pas vers Mme Affret ! s’est exclamé un avocat. La malheureuse n’a même pas le temps de s’asseoir que monsieur Tiberi lui a parlé." On rappelle à l’ordre le député, visiblement déstabilisé par les témoignages de ses coprévenus. La stratégie de la confrontation s’avère payante pour le tribunal. Le président appelle au micro fonctionnaires et élus. Et on parle.
"C’est leur parole contre la nôtre, dit l’ancien chef du bureau des élections Olivier Favre, plus assuré. Nous sommes des fonctionnaires de catégorie C contre des élus. Ma parole n’a aucun poids par rapport à la leur. J’étais un exécutant." Il témoigne devant Jean Tiberi sur "le système" de la fraude. "Tout le monde était au courant au bureau des élections. Le système était facile à déceler du fait du nombre de cartes électorales en retour." Le chef du bureau se souvient que les notes administratives réclamant des radiations électorales n’étaient pas appliquées. Le secrétaire général Raymond Nentien lui avait dit qu’il "n’avait pas l’aval de Jean Tiberi" pour radier.
Anne-Marie Affret confirme que "le système" existait avant qu’elle soit adjointe. Qu’elle l’a "pris en route". Le président Albert, se tournant vers le député : "Et vous, monsieur Tiberi, ce train en route, vous n’êtes pas monté sur le marchepied ? Tout le monde s’en est aperçu, les fonctionnaires aussi, Mme Affret le dit… et vous ?" "Monsieur le président, jamais, jamais, je n’ai été informé", répond Jean Tiberi. "Jamais", un mot qu’il a prononcé une bonne vingtaine de fois lundi. Et autant hier. Le président : "Les listes électorales, ça ne vous intéressait pas ?" "Je n’avais pas le temps de m’occuper de ça", répond-il.
Ordres
Xavière Tiberi, qui conteste aussi toute implication, a son idée sur l’affaire. Sa veste à moitié retirée, le visage chiffonné, elle raconte. "J’ai beaucoup lu le dossier, dit-elle. Il y a un piège, j’en suis sûre. Le 373, rue Saint-Jacques [une adresse fictive, ndlr] a été mis là pour nuire à Tiberi." "Je me demande qui l’a mis, fait-elle mystérieuse. C’est comme ce Shakespeare [prénom d’un faux électeur]…" Elle dit qu’elle a failli suffoquer en voyant qu’on soupçonnait son mari de "vénalité". "Tiberi n’a jamais reçu une baguette de pain de qui que ce soit", assure-t-elle.
Les fausses inscriptions avouées par les fonctionnaires ? "Dans l’euphorie de la campagne, ils ont peut-être inscrit quelques personnes", hasarde-t-elle. Prise dans la confrontation, elle semble suffoquer. S’approche des avocats. Du procureur. On parle des ordres qu’elle a donnés, et dont tout le monde se souvient. "Je ne donne pas d’ordre, lance-t-elle, et quand ça ne va pas je prends un grand verre d’eau et j’avale."
Anne-Marie Affret est questionnée sur la femme du maire. "Mme Tiberi avait ce rôle que lui avait donné son mari, répond l’adjointe. Bien sûr elle était présente. Parfois, elle me disait : "Jean m’a dit que vous fassiez ça. Je ne prends aucune initiative…" Raymond Nentien, l’ancien secrétaire général, approuve. Soudain interrompu. "Je demande l’autorisation de sortir cinq minutes, annonce Xavière Tiberi. Ce sont des lâches qui s’acharnent sur moi. Je préfère sortir, fumer une cigarette." Conciliant, le président autorise le temps de la cigarette. La partie civile proteste. Une fois revenue, Xavière poursuit. "Mon mari leur a tout donné. Ils n’avaient rien… Ils méritaient d’être seulement plantons à la mairie du 5e. Devant tant de mensonges de personnes qui doivent tout à Tiberi, je me dis tant pis pour lui."