Travailler le dimanche : dernière démarque ?
Va-t-on encore longtemps tricher avec la loi, faire des coups tordus et crier au chantage à la perte d'emplois ? Ce qui se passe à Plan de Campagne, entre Aix-en-Provence et Marseille, est l'exemple même du scandale sans fin.
Avec un terrain de 200 hectares, 400 enseignes, 6000 salariés et des dizaines de milliers de clients chaque jour, c'est la plus grande zone commerciale de France. Elle a vu le jour il y a 43 ans.
Or, depuis 10 ans, la bataille juridique fait rage à propos de son ouverture le dimanche. De protocole entourloupe en protocole bâtard, la situation illégale a prospéré en piétinant cyniquement du droit du travail. Le dernier en date devait prendre fin le 24 janvier avec l'accord du ministre du commerce. Il a encore été prolongé d'un mois par le préfet pour soi-disant trouver une solution définitive.
Depuis, le jeu de dupes continue, rien n'avance, la situation est bloquée, les commerçants crient au scandale pendant que les syndicats défendent les salariés.
Cette semaine, énième coup de théâtre, les organisations patronales refusent tout débat. Le préfet prend une nouvelle décision tout à fait illégale en octroyant un autre délai de six mois, en quelque sorte comme un plan de campagne présidentielle.
C'en est trop. Des commerces n'ont aucune autorisation, d'autres aucune dérogation. Les syndicats saisissent le tribunal administratif pour assigner les fraudeurs et dénoncer toutes les irrégularités. Les patrons pleurent sur leur chiffre d'affaires, mettent en avant les risques de licenciements et menacent d'ouvrir quand même le dimanche. Belle mentalité du coup de force !
Comment se fait-il que, dans le reste de la France, à quelques exceptions comparables près, les zones commerciales sont fermées le dimanche et ne crient pas au loup ? Ne feraient-elles pas leurs profits les autres jours ouvrables et nous cacheraient-elles qu'elles sont dans une misère noire ? Non, décidément, les arguments pour l'ouverture ne tiennent pas.
D'ailleurs, on voit bien où cela peut mener. Il s'agit d'enraciner cette situation de fait pour obtenir la casse du code du travail et généraliser la précarité. Il s'agit aussi d'appliquer le "travailler plus pour gagner plus", slogan qui résonne comme un aveu que le travail est donc mal payé.
Est-il normal que les patrons instrumentalisent et fassent pression sur des salariés et déstructurent leurs vies pour leurs propres objectifs ?
Est-il normal que de plus en plus d’hommes et de femmes travaillent le dimanche, jour où ils peuvent vivre ensemble, se détendre, se cultiver et non pas venir dans les magasins pour regarder ce qu'ils ne peuvent pas acheter si ce n'est à crédit jusqu'au surendettement.
Est-il normal que des jeunes sans aides soient obligés de travailler en emplois précaires pour payer leurs études au lieu de se former et de vivre leur jeunesse ?
Est-il normal que les gens soient de plus en plus amenés à passer leurs week-ends dans les magasins pour consommer ? En s'organisant autrement et en reprenant des habitudes moins aliénantes, ils devraient avoir le temps de faire leurs courses comme des millions d'autres le reste de la semaine.
Il ne peut y avoir d’exception ni de privilège en dehors de ce que prévoit le code du travail. Les enjeux politiques pour les années qui viennent sont bien ceux-là.