Comme des vautours sur la misère
"Vous voulez la misère secourue,
moi, je la veux supprimée." Victor Hugo
Désolé, je vais sans doute choquer.
Ce lundi, un homme est mort comme il a vécu, pauvre et digne.
Sa vie durant engagé au service des autres, il a agi en politique à la place des politiques.
Alors, est-il normal qu'en 50 ans au moins, l'Etat se soit à ce point renié pour abandonner l'action publique et ne pas faire son boulot ?
Est-il normal que ce soient toujours les pauvres qui doivent aider les pauvres par charité ?
Est-il normal que le fardeau de la lutte contre la misère soit massivement porté par des associations ?
Est-il normal qu'il faille compter sur des personnes providentielles de grande volonté pour s'exonérer d'une mauvaise conscience ?
Est-il normal qu'Emmaüs, les Restos du cœur, les Enfoirés, les Enfants de Don Quichotte, les Secours divers, le Téléthon, et j'en passe, suppléent autant le cynisme et les carences de l'Etat ?
Est-il normal que les télévisions puent autant la richesse et jettent autant d'argent par les lucarnes ?
Est-il normal que des individus s'engraissent sans vergogne jusqu'à l'obésité de leurs comptes en banque sur la sueur de ceux qui produisent les biens de leurs propres mains ?
Est-il normal qu'aujourd'hui on entende à la télé des journalistes dire "mais qui va prendre la relève ?" comme pour formater les esprits à l'idée d'un système inéluctable de la débrouille ?
Est-il normal que des "personnalités" viennent montrer leur gueule défigurée de vautours hypocrites sans même décréter, toutes affaires cessantes, la guerre complète et définitive contre la misère et la pauvreté ?
J'ai honte de tous ceux qui font semblant de venir rendre hommage à ce chétif cadavre au profit de leur propre image.
Inutile de faire pleurer. Les larmes risqueraient bien de voiler encore longtemps la perception du problème.
SDF et ISF pourraient tout aussi longtemps continuer à faire une rime pour riches.
En ont-ils fait, en font-ils, en feront-ils jamais autant que ces gens de peu en font pour les besogneux pour avoir le droit de racoler devant les micros et les caméras ?
En tant qu'être humain, j'ai honte de cette émotion exploitée jusqu'à la nausée.
En tant que citoyen, j'ai honte que la République soit complice de l'anéantissement de ses enfants.
Il n'est que temps de se lever.
(voir aussi mon article "50, 22, 20 et… 5" du jeudi 7 décembre 2006)