Longue interview du maire dans le journal La Provence de ce vendredi. Est-ce pour parler des sujets qui préoccupent les Aixois ? Pas vraiment, puisque deux sujets à peine abordés, le logement et la sécurité, sont expédiés en quelques phrases. Mais le ton est presque… touchant.
Pour le logement social, si elle n'a rien fait depuis six ans, c'est qu'elle n'a rien pu faire. Ce n'est pas sa faute, vous comprenez. Elle n'a pas eu le temps. Chaque fois qu'elle a un projet, tout le monde lui "tombe sur le dos" et lui crée des problèmes.
Pour la sécurité, en revanche, elle aurait rempli son contrat. "Les chiffres de la sécurité sont réellement excellents pour la période 2005/2006", ose-t-elle lancer. Sauf que… c'est précisément là que la recrudescence des violences et des délits commis à Aix a été la plus dramatique. Les chiffres sont démentis par les faits et ne suffisent plus à convaincre les Aixois qu'ils seraient en sécurité. Cela va si bien qu'elle s'apprête à envoyer sa millionième lettre à Sarkozy pour lui demander des renforts. Aveu on ne peut plus clair. Ce n'est plus crédible, pas besoin d'en rajouter.
La vidéosurveillance a pris du retard mais elle n'y est pour rien. "Cela coûtait plus cher que prévu et le marché que nous avons lancé a été infructueux dans sa première version." Sauf que… cela s'appelle de l'imprévision et qu'il nous a été annoncé que les prix étaient plus bas qu'au début. La vérité, c'est qu'il a fallu retarder sa mise en place parce que le budget rabougri de la ville ne le permettait pas.
Comme une histoire de corsaires
Alors, pourquoi avoir choisi d'accorder un si long entretien à la presse ? Voilà une bonne question.
L'essentiel était ailleurs. C'est pour commenter, sabre en main, la "tempête" (dixit le journaliste) qui secoue son équipe municipale. Car, c'est comme ça. Certains de ses adjoints se sont mis en tête de faire corsaires à part. Pour faire image, disons plus prosaïquement que le bateau est troué et qu'il prend l'eau de toutes parts. Cela commençait à trop se voir et se savoir.
Aujourd'hui, la chose est dite et vient confirmer l'existence des brèches, mais aussi la perte d'influence et l'isolement politique du maire. Et, si l'on comprend bien ses propos, pas seulement à l'hôtel de ville. Elle ignore quel but poursuit Jean-Claude Gaudin en accordant une aide financière de l'UMP aux adjoints dissidents aixois. "Je n'ai pas encore d'explication." (…) "Depuis le lancement de cette campagne, je n'ai eu aucun contact avec lui." Etonnant, non ? Le vice-président national de leur parti donnerait un coup de pouce à un élu en second, adjoint et suppléant, au détriment d'un maire et député. Cela ressemble fort à un coup tordu.
Quant à l'escapade personnelle de Bruno Genzana et de deux autres adjoints, il suffira d'apprécier le portrait qu'en trace leur maire préférée : "Je trouve cette campagne complètement déplacée et très exagérée à quinze mois de l'élection municipale. Qui plus est pour quelqu'un qui n'est pas candidat à la mairie, si j'en crois ce qu'il me dit à chaque fois que je le lui demande." C'est "une campagne d'un nombrilisme qui dépasse l'entendement."
Le naufrage d'un équipage
Cette stratégie lui paraît risquée car, ajoute-t-elle en passant une autre couche de peinture bien noire, "N'oublions pas qu'en 1989, les mêmes avaient fait perdre la ville à la droite après avoir tenté de déstabiliser le maire de l'époque." Quelle mémoire… amnésique ! A cette époque, Mme Joissains était première adjointe et, secondée par son actuel adjoint aux finances, elle a été la principale adversaire de Jean-Pierre De Peretti Della Rocca. J'en sais quelque chose, j'étais élu de l'opposition !
Et pour finir de dépecer son suppléant à l'assemblée nationale et ceux qui le suivent, elle tranche : "J'aurais préféré qu'ils travaillent pendant six ans au lieu de surgir comme des cheveux sur la soupe." En gros, ils ne fichent rien. (…) "Je ne crois pas que le débat soit enrichi par la bobine de Bruno Genzana." A noter la délicate mue du portrait en bobine ! (…) "C'est du bruit pour rien." Pas vraiment, quand on constate l'espace que cette affaire occupe dans l'interview.
Enfin, plus surprenant encore – Mme le maire ne doute de rien, "car en politique tout est possible" – elle imagine encore pouvoir faire alliance avec François-Xavier de Peretti entre les deux tours. Le maire est un grand stratège et nous le ne savons pas. Sauf que… la fusion de trois listes pour composer une équipe hétéroclite en 2001 ne lui aura donc rien appris sur les unions de façade. Il n'a pas fallu un an pour qu'intervienne le premier claquement de porte.
Le 19 décembre, trois jours avant la parution de cette interview, j'ai décrit ici l'ambiance délétère que je percevais dans cet équipage à la mésentente coriace par ancrage lointain. Comme sur le Titanic, il ne leur reste plus qu'à chanter pour tenter d'oublier le naufrage. J'ajouterai que, si les déclarations d'aujourd'hui viennent apporter quelque crédit à mon analyse, pareille situation ne peut me réjouir pour autant. Car, outre le fait que de telles conduites sont néfastes à la vie publique, elles ne peuvent être que fâcheuses pour les Aixois.